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Pierre Alferi
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Ravissement : envol, en 2063, des lauréats d'un concours en ligne.
N. Ami : Navire Amiral en panne sur l'orbite géostationnaire.
Lâcher : lâcher, en 2065, de satellites et de nacelles.
Corolle : couronne de 360 nacelles habitées (par les Corollaires) suspendues à 13 km d'altitude.
Calice : couronne de 130 satellites habités (par les Caliciens) tournant à 30 000 km d'altitude.
Chibani : né·e sur terre. Auturane : né·e au ciel.
Sojalent : aliment universel à base de soja et d'insectes broyés.
Jacuzzine : baignoire pour l'imprégnation du sojalent.
TRAIN : TRaitement Algorithmique de l'INformation.
MER : Mise En Relation électronique.
VIS : Vie Suspendue.
OuïeFine : connexion radio à la MER.
L'OffiCiel : bulletin permanent.
Internasses : deux navettes desservant l'ensemble de la Corolle.
Hélimilice : milice héliportée.
Glacelles : nasses dédiées à la conservation des corps malades.
Nasserres : nasses dédiées à la culture et à l'élevage.
Ruchelle : partie de nasserre dédiée à l'élevage de coléoptères comestibles.
Archelle : ménagerie aérienne.
Épistémonopause : réorientation de toute la recherche vers la Synthèse.
Synthèse : production imminente d'un nouveau carburant.
Massiste : Masturbation ASSISTéE d'images animées en 3D.
Clinasse : hôpital de campagne.
Rétinal : écran rétinien. -
"la honte nous survivra
nos descendants diront
enjambaient des corps
longeaient des familles à terre
pour faire leurs courses
ou des as du contrôle
héros de sf
parleront de l'époque
où l'on s'est mis à s'entrevoir
en mesures de chair
humaine biomasse
sans dessin net
et scruteront les figurants
au drôle d'accent
d'une série z en costumes"
Pierre Alferi. -
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Ce roman bref met en scène un héros, Horacio Picq, dont on comprend assez vite qu'il est un «révolutionnaire professionnel» qui, pour parfaire sa connaissance des fortifications militaires, s'est rendu en province dans une forteresse, précisément, dont la bibliothèque, ouverte aux chercheurs, recèle de précieuses indications. Las, il semble avoir été démasqué, et se trouve en fait emprisonné par surprise. Dans sa chambre qui devient une cellule, il découvre, outre une carte du ciel, une paire de jumelles qui ont cette propriété non seulement de fouiller au plus profond l'espace nocturne mais de l'animer, d'y faire entrer le temps, l'évolution : spectacle dont notre prisonnier ne va plus se lasser. Par ailleurs sa vie est rythmée par les visites régulières d'une geôlière-cuisinière bien en chair mais intraitable, puis de sa soeur jumelle tout à fait compréhensive, amoureusement compréhensive, elle. Ce presque conte écrit avec raffinement est une merveille d'humour, de drôlerie légère. Les fantasmes révolutionnaires s'y défont avec grâce tandis que les ébats amoureux et les découvertes de science amusante servent à merveille de sentimentales supercheries.
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Les poèmes de La Voie des airs sont du genre lyrique sec. Une voix en appelle une autre pour donner forme aux forces qui lient un homme à une femme, une conscience précaire aux corps et décors qui la traversent quotidiennement. Airs de musique et liaisons téléphoniques, fluide et traces lumineuses, ondes et vide chargé qui attire ou repousse, odeurs et influences, choses qui affectent d'autant plus qu'elles restent impalpables : cette matière s'est déposée en poèmes brefs, où un simple tiret marque un changement d'angle ou de rythme.
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Le narrateur se soumet à quatre expériences. La première est de sortir. La deuxième, de passer le temps. La troisième, de rentrer chez soi. La quatrième de regarder. Récit d'une aventure.
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Au début du XIVe siècle, Guillaume d'Ockham assigna à la philosophie une tâche nouvelle, dont elle a encore à s'acquitter : penser la singularité de chaque chose, décrire depuis ce point irréductible le contenu de l'expérience et le fonctionnement du langage. Pour cerner ce projet, on propose ici une interprétation systématique de la pensée d'Ockham.
En affirmant résolument leur singularité, il cherche dans les choses mêmes un point de départ modeste pour la philosophie. C'est le projet d'une ontologie réduite à sa plus simple expression. Il demande à l'expérience de montrer comment cet arbre, cette pierre devient pour nous l'élément d'une série - les arbres, les pierres. C'est le projet d'un empirisme. Il demande au langage de montrer que l'on peut, fût-ce par des termes généraux, signifier des choses singulières, afin d'analyser la référence sous toutes ses formes. C'est le projet d'un nominalisme.
Singularité, sérialité, référence : trois faits fondateurs et trois questions à nouveau ouvertes. Qu'est-ce que le singulier ? Comment, autour de lui, constituer des séries ? Comment le signifier ?
Cet ouvrage est paru en 1989. -
Ce sont des poèmes improvisés comme une conversation. Un exergue extrait un sujet. Donc on voit en gros de quoi ils parlent (d'amour, du jour et de la nuit, de temps, de cinéma, de mouvement), et précisément ce qu'ils disent, mais pas très bien ce qu'ils veulent dire. Ils repoussent le sens d'une image à l'autre, qu'ils défont, d'une phrase à l'autre, qu'ils coupent, un peu comme on frappe un ballon. Peut-être qu'ils ne riment à rien? Peut-être qu'ils sont fidèles, en esquivant la communication, à un 'sentiment monstre', à une expérience du présent où 'aucun flou n'est évitable'.
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Cette suite d'articles, pour la plupart publiés en ligne sur le site des Cahiers du cinéma, certains dans la revue Vacarme, s'organisent autour de quelques faits ou éléments constitutifs, pour Pierre Alferi, du pouvoir qu'exerce le cinéma sur nous. D'abord le fantastique et l'immaturité qui sont d'ailleurs, hors même le genre dit fantastique qui fait ici l'objet de beaux développements, au coeur du cinéma qui produit des fantômes animés. Pierre Alferi s'attache à l'évocation et à la critique aussi bien des films à effets (science-fiction, monstres, vampires, etc.) que d'oeuvres plus discrètes, elliptiques, mais pas moins efficaces (ainsi du cinéma de Jacques Tourneur). Ensuite la mélancolie filmée à travers cette manière qu'ont certains héros non pas de regagner le monde qui leur a été refusé, mais d'en faire leur deuil. Ensuite encore, bien sûr, les acteurs, ce qui les fait, peut-être, des êtres d'un genre unique dont les personnages endossés seraient les espèces. Quelques portraits pour cerner une singularité qui ne s'affiche pas, hyperphysique, qui se laisse entrevoir de rôle en rôle, entre les avatars. Enfin, quelques articles imaginent des cinéastes à partir de leurs films. Certains s'appuyèrent sur un modèle déjà classique du beau, dans le théâtre et la peinture, pour maintenir farouchement une volonté d'art dans l'usine à films (Lang, Murnau, Ulmer, Preminger). D'autres, arrivés un peu tard, ont mimé cette volonté (Minnelli, Corman, Lynch, Kitano).
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Dans la famille lambda vous demandez la mère, le père, le frère, la soeur. Chaque fois que vous attendez une carte, vous en obtenez au moins deux - Mammère première la naturelle, Mammère seconde l'adoptive, Mompère l'espion, le pianiste, le pasteur, un frère proliférant dans les fourmilières et la mousse, une soeur poupée ou cantatrice, etc. Dans le cinéma des familles, chacun porte sur l'écran une ombre démesurée où l'autre peut se fondre. Leur rencontre a lancé des scénarios de crimes, de sacrifices, de fugues, de retrouvailles. Jim fut-il condamné à tort? Quel âge avait Tom? Rose a-t-elle survécu? Alice est-elle idiote? Où va la rivière? Suis-je un monstre? Avec ça, les témoins s'inventent des dialectes, car ce sont des enfants. Et là où une autofiction aurait cru rassembler les membres, le cinéma de toutes les familles démultiplie le foyer, le disperse jusqu'à la lune, jusqu'aux étoiles. C'est Alice qui chante cela. Le film a déjà commencé.
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Un homme se dit prisonnier du regard d'une femme. Il part à la rencontre de n'importe qui. Une histoire se noue, se dénoue. Le couple se penche sur la petite différence, le petit différend qui l'a fait basculer. Il s'agit donc d'amour : hantise et abandon, désir et déception. Il y a de la mystique, des adresses, de la pornographie, des scrupules. Et il s'agit de genres : féminin, masculin et neutre, prose et poèmes en prose, confession et dialogue, vidéo littéraire, récit de voyage urbain, sermon, science-fiction, brèves épiphanies sexuelles, monologues intérieurs. «Prostitution de l'âme» et décentrement du langage.
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Genre : poésie, faite ici des mouvements les plus quotidiens du corps, du regard et de la pensée, refaits et repensés. Sujet : variété de ces mouvements (dérive, chute, oscillation...), courbes décrites lors d'un transport (nage, mémoire ou promenade), petits gestes, petits mobiles. Forme : syntaxe de ces mouvements, rythme qui fait franchir le pas, vers enjambés. Allures naturelles : machinales et forcées, comme est la marche des animaux. Les dix suites brèves qui composent ce livre ont pour thème chacune un mouvement accompli tous les jours, qu'une à cinq variations décomposent, interprètent, et surtout essaient d'imprimer. Le seul souci poétique de ces pages, par ailleurs sans apprêt, est rythmique : produire par tous les moyens - de la syntaxe, de la prosodie, de la ponctuation - un équilibre instable qui soit une légèreté en même temps qu'un entraînement, comme un enfant apprend à marcher, un derviche à tourner. Ces mouvements qui ne sont ni métaphoriques ni mécaniques, mais vécus sans qu'on s'y arrête, Pierre Alferi a choisi de les appeler «allures naturelles», par analogie avec la démarche instinctive des chevaux.
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- Récapitulons le monde a une longueur d'avance sur vous vous espériez le rattraper en vous lançant dans la première histoire d'amour venue et vous vous retrouvez je vous cite cernée par des objets et des gens menaçants plus perdue que jamais. - Exactement. - Vous implosez vous venez me voir je vous en félicite. - Je n'y suis pour rien. - C'est pourtant ce que vous avez fait de mieux et maintenant vous refusez le traitement? vous vous croyez soudain guérie parce que vous avez acquis la certitude je vous cite que quelqu'un veille et vous protège tout cela sur la foi d'un post-it ramassé sous un meuble c'est bien ça? - En gros oui. - Alors vous voilà prête à mener l'enquête sur vos proches qui je vous cite vous cachent des choses depuis le début concernant certains fruits? - Avec votre encouragement j'y mettrai tout mon coeur. - Ah mais non surtout pas je vous le déconseille je vous le déconseille vivement.
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«Cher lecteur ou chère lectrice, on m'appelle Ben. J'ai dix-neuf ans et un CDD au musée de l'École de Médecine de Liguse. À la suite d'une rupture, j'ai emménagé dans les quartiers nord - 17, rue de la Cité. Mes voisins sont charmants. La rue est fréquentée la nuit, mais les petits trafics y sont inoffensifs, et tout le monde vit en bonne intelligence. Pourtant, depuis quelques semaines, une vague de crimes s'abat sur nous : destruction, explosion, enlèvement, expropriation. J'ai mené mon enquête. Je connais maintenant les auteurs. Je ne crois pas qu'ils l'aient deviné, mais je préfère prendre les devants. Sachez donc qu'il s'agit de Or il ne put écrire la première lettre d'un nom. Dénoncer lui était impossible.»
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C'est le texte de trois pièces - Répète, Coloc, Les Grands - commandées et créées par Fanny de Chaillé. Pour parler, donc, de plein de choses, comme tous les jours. Mais aussi, se parler à distance, transcrit, trahi. Être parlé.e.s, ventriloqué.e.s.
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Chercher une phrase est paru initialement en 1991 dans la collection « Détroits » chez Christian Bourgois (dirigée par Jean-Christophe Bailly, Michel Deutsch, Philippe Lacoue-Labarthe). Ce n'est pas le premier livre de Pierre Alferi, précédé par la publication de sa thèse de philosophie sur Guillaume d'Ockham (Guillaume d'Ockham le singulier, Minuit, 1989). Mais Chercher une phrase était devenu un livre important, initiateur à la fois d'une pensée, d'une écriture. Comme le fait Jean-Christophe Bailly dans sa préface, on peut comparer l'approche très serrée de la notion de singularité chez d'Ockham et l'enchaînement sériel des brefs chapitres formant Chercher une phrase. Sous la forme de thèses se succédant dans une sorte d'accélération continue, ce petit livre unique devient pour son auteur une entrée dans la littérature. « Chercher une phrase, écrit Jean-Christophe Bailly, peut être lu comme la description d'un texte à venir qui, avant de se décliner selon des conformités de genre, même perturbées (poème, roman), sera d'abord un buissonnement de phrases d'une étonnante diversité. » Si, comme l'affirme Pierre Alferi, « la seule tâche de la littérature est d'inventer de nouvelles formes syntaxiques, de nouveaux rythmes » et, en conséquence « d'étendre le langage », alors il devient inutile et néfaste de border cette extension toujours à venir. Autant dès lors inventer la règle en même temps que le jeu, et c'est ce à quoi s'emploiera Pierre Alferi dans toute son oeuvre.
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L'imprudent est un texte inédit de Pierre Alferi, décédé en 2023. Une succession de brefs chapitres évoque l'existence d'un personnage troublant, ses métamorphoses étranges comme sa vie la plus familière, jusqu'à l'obscénité parfois. Tram, enfant abandonné (waif, en anglais, comme on pourra le lire sur sa dalle funéraire) n'a pas de visage. Ne d'inconnus, a peine a-t-il un nom. Parfois à une voyelle près, Tram ou Trom. Pourtant Tram est un personnage, il affirme, par défaut ou par inadvertance, ce qu'on peut appeler son caractère, en dépit d'incroyables mutations, performances, mutilations, transplantations dans l'espace et le temps. Dans un récit qui n'est pas sans rappeler le roman anglais du XIXe siècle, ou encore la littérature jeunesse, le récit surréaliste, ou les « aventures » sadiennes, Pierre Alferi multiplie les épreuves de son personnage, rencontres, travaux, expériences. Tram est tour à tour inquiet, morose, crédule, timide, poli, sujet a de violents accès de compassion, tendre et docile a l'excès. Tout l'étonne, puis lui paraît étonnamment naturel. On le dirait lâche si sa qualité principale ne lui donnait souvent l'apparence du contraire. Texte déconcertant, qui traverse à la fois une très grande douceur énigmatique et un dérangement radical, L