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Grasset
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« Cher connard,
J'ai lu ce que tu as publié sur ton compte Insta. Tu es comme un pigeon qui m'aurait chié sur l'épaule en passant. C'est salissant, et très désagréable. Ouin ouin ouin je suis une petite baltringue qui n'intéresse personne et je couine comme un chihuahua parce que je rêve qu'on me remarque. Gloire aux réseaux sociaux : tu l'as eu, ton quart d'heure de gloire. La preuve : je t'écris. »
Après le triomphe de sa trilogie Vernon Subutex, le grand retour de Virginie Despentes avec ces Liaisons dangereuses ultra-contemporaines.
Roman de rage et de consolation, de colère et d'acceptation, où l'amitié se révèle plus forte que les faiblesses humaines... -
« En 1977, alors que je travaillais à Libération, j'ai lu que le Centre d'éducation surveillée de Belle-Île-en-Mer allait être fermé. Ce mot désignait en fait une colonie pénitentiaire pour mineurs. Entre ses hauts murs, où avaient d'abord été détenus des Communards, ont été « rééduqués » à partir de 1880 les petits voyous des villes, les brigands des campagnes mais aussi des cancres turbulents, des gamins abandonnés et des orphelins. Les plus jeunes avaient 12 ans.
Le soir du 27 août 1934, cinquante-six gamins se sont révoltés et ont fait le mur. Tandis que les fuyards étaient cernés par la mer, les gendarmes offraient une pièce de vingt francs pour chaque enfant capturé. Alors, les braves gens se sont mis en chasse et ont traqué les fugitifs dans les villages, sur les plages, dans les grottes. Tous ont été capturés.Tous ? Non : aux premières lueurs de l'aube, un évadé manquait à l'appel.
Je me suis glissé dans sa peau et c'est son histoire que je raconte. Celle d'un enfant battu qui me ressemble. La métamorphose d'un fauve né sans amour, d'un enragé, obligé de desserrer les poings pour saisir les mains tendues. » S.C. -
En 1992, Gabriel, dix ans, vit au Burundi avec son père français, entrepreneur, sa mère rwandaise et sa petite soeur, Ana, dans un confortable quartier d'expatriés. Gabriel passe le plus clair de son temps avec ses copains, une joyeuse bande occupée à faire les quatre cents coups. Un quotidien paisible, une enfance douce qui vont se disloquer en même temps que ce « petit pays » d'Afrique brutalement malmené par l'Histoire. Gabriel voit avec inquiétude ses parents se séparer, puis la guerre civile se profiler, suivie du drame rwandais. Le quartier est bouleversé. Par vagues successives, la violence l'envahit, l'imprègne, et tout bascule. Gabriel se croyait un enfant, il va se découvrir métis, Tutsi, Français...
« J'ai écrit ce roman pour faire surgir un monde oublié, pour dire nos instants joyeux, discrets comme des filles de bonnes familles: le parfum de citronnelle dans les rues, les promenades le soir le long des bougainvilliers, les siestes l'après-midi derrière les moustiquaires trouées, les conversations futiles, assis sur un casier de bières, les termites les jours d'orages... J'ai écrit ce roman pour crier à l'univers que nous avons existé, avec nos vies simples, notre train-train, notre ennui, que nous avions des bonheurs qui ne cherchaient qu'à le rester avant d'être expédiés aux quatre coins du monde et de devenir une bande d'exilés, de réfugiés, d'immigrés, de migrants. »
Avec un rare sens du romanesque, Gaël Faye évoque les tourments et les interrogations d'un enfant pris dans une Histoire qui le fait grandir plus vite que prévu. Nourri d'un drame que l'auteur connaît bien, un premier roman d'une ampleur exceptionnelle, parcouru d'ombres et de lumière, de tragique et d'humour, de personnages qui tentent de survivre à la tragédie. -
Cette fois-ci, il s'agit d'un véritable roman policier avec une énigme, un lieu clos, des indices et des conjectures. Tout part d'un crime, et l'intrigue est entièrement tendue par l'enquête et la recherche de l'assassin.
L'action se déroule à Florence, au XVIe siècle. Le vieux peintre maniériste Pontormo a été assassiné au pied des fresques auxquelles il travaillait depuis onze ans. Un tableau a été maquillé. Un crime de lèse-majesté a été commis. Vasari, l'homme à tout faire du Duc de Florence, accessoirement considéré comme l'inventeur de l'histoire de l'art et le premier à avoir employé le mot de « Renaissance », est chargé de l'enquête.
La situation à Florence en 1557 exige doigté, discrétion, loyauté, sensibilité artistique et compréhension politique. L'Europe est une poudrière. L'Italie est le terrain où s'affrontent la France et l'Espagne, les deux grandes puissances. Le Duc de Florence, Cosimo de Médicis, doit faire face aux convoitises de la reine de France, sa cousine Catherine de Médicis, alliée à son vieil ennemi, le républicain Piero Strozzi qui écume les environs avec l'armée du Duc de Guise. La ville pullule de savonarolistes nostalgiques d'un ordre moral qui condamne les nudités de Michel-Ange et de ses disciples maniéristes. Le pape lui-même est un inquisiteur de la pire espèce, celui qui a instauré la mise à l'index des livres jugés immoraux ou dangereux.
Perspective(s) est un roman épistolaire. Ce parti-pris du roman par lettres répond à une triple motivation : la volonté de donner davantage de profondeur aux personnages d'une part (creuser leurs motivations, et, selon un mot qui symbolise toute la révolution esthétique de la Renaissance, leurs perspectives), le goût de la mécanique de précision horlogère d'autre part, enfin le défi formel que constitue le croisement de deux genres a priori peu compatibles, et dont il existe peu d'exemples.
Le roman se compose de 176 lettres, soit une de plus que les Liaisons dangereuses. -
QUI EST VERNON SUBUTEX ? Une légende urbaine.Un ange déchu.Un disparu qui ne cesse de ressurgir.Le détenteur d'un secret.Le dernier témoin d'un monde disparu.L'ultime visage de notre comédie inhumaine.Notre fantôme à tous. LE RETOUR DE VIRGINIE DESPENTES
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Depuis l'enfance, une question torture le narrateur :
- Qu'as-tu fait sous l'occupation ?
Mais il n'a jamais osé la poser à son père.
Parce qu'il est imprévisible, ce père. Violent, fantasque. Certains même, le disent fou. Longtemps, il a bercé son fils de ses exploits de Résistant, jusqu'au jour où le grand-père de l'enfant s'est emporté : «Ton père portait l'uniforme allemand. Tu es un enfant de salaud ! »
En mai 1987, alors que s'ouvre à Lyon le procès du criminel nazi Klaus Barbie, le fils apprend que le dossier judiciaire de son père sommeille aux archives départementales du Nord. Trois ans de la vie d'un « collabo », racontée par les procès-verbaux de police, les interrogatoires de justice, son procès et sa condamnation.
Le narrateur croyait tomber sur la piteuse histoire d'un « Lacombe Lucien » mais il se retrouve face à l'épopée d'un Zelig. L'aventure rocambolesque d'un gamin de 18 ans, sans instruction ni conviction, menteur, faussaire et manipulateur, qui a traversé la guerre comme on joue au petit soldat. Un sale gosse, inconscient du danger, qui a porté cinq uniformes en quatre ans. Quatre fois déserteur de quatre armées différentes. Traître un jour, portant le brassard à croix gammée, puis patriote le lendemain, arborant fièrement la croix de Lorraine.
En décembre 1944, recherché par tous les camps, il a continué de berner la terre entière.
Mais aussi son propre fils, devenu journaliste.
Lorsque Klaus Barbie entre dans le box, ce fils est assis dans les rangs de la presse et son père, attentif au milieu du public.
Ce n'est pas un procès qui vient de s'ouvrir, mais deux. Barbie va devoir répondre de ses crimes. Le père va devoir s'expliquer sur ses mensonges.
Ce roman raconte ces guerres en parallèle.
L'une rapportée par le journaliste, l'autre débusquée par l'enfant de salaud. -
Prix Femina 2022
C'est un roman dont Yes, une jeune chienne, est le personnage principal. Un soir, celle-ci, traînant une sale histoire avec sa chaîne brisée, surgit à la porte d'un vieux couple, Sophie une romancière et Grieg son compagnon. À partir de là, le destin de Yes va tenir à lui seul la narration. D'où vient-elle, qu'a-t-elle vécu ? Est-on à sa poursuite ? La chienne se révèlera la gardienne de ce qui caractérise l'humain. La gardienne du langage. Mais une gardienne menacée.
On pourrait aussi voir dans ce roman l'histoire d'un duo féminin/animal. Il raconte en effet la grande affection qui lie Sophie, la narratrice, et Yes, la jeune chienne échappée de chez un zoophile. Chacune s'augmentant de l'autre. Chacune veillant aussi sur l'autre. Jusqu'au drame.
Mais c'est également un roman d'amour entre deux êtres humains, interrogeant quelle sorte d'amour lie encore un vieux couple, Sophie qui aime les marches dans la forêt, et Grieg, déjà sorti du monde, dormant le jour et lisant la nuit, survivant grâce à la littérature. L'intrusion de Yes sera le révélateur de l'amour qui lie ce couple en passe de l'avoir oublié.
Cependant, on peut aussi penser que le thème du roman, c'est la vieillesse. Celle du monde, celle d'un couple, celle d'une femme. Oui. Mais surtout le contraire de la vieillesse. Dans ce roman, on n'accepte pas encore la défaite. Grâce à l'irruption de Yes, il est une ode à la vie.
On peut également penser qu'on se trouve dans un roman écoféministe dont l'enjeu est ce qui lie la nature menacée et le féminin révolté.
Quoi qu'il en soit, on baigne dans des temps troublés. Bizarres. Inquiétants. Où va-t-on ? L'humanité, que deviendra-t-elle ? Que deviendront les bibliothèques, les librairies, les livres ? Mais comme il s'agit d'un livre qui prône l'extravagance, où les poètes de ces temps de détresse se sont réfugiés dans les champignons, merveilles d'un futur imprévisible, ce roman baigne dans un climat d'amour de la poésie. Son véritable enjeu climatique, c'est la poésie. -
Vernon subutex, 2 est la suite du volume publié en janvier 2015, et salué par une presse magnifique.« On peut faire tourner Vernon Subutex entre ses doigts comme une pierre précieuse changeant de couleur à la lumière du jour. »
Marie-Laure Delorme, Le Journal du Dimanche« Un art consommé de mêler des personnages, des voix, des intrigues avec un incontestable sens du changement de rythme. Ce n'est pas un roman, c'est un électrocardiogramme. »
Etienne de Montety Le Figaro Littéraire« Rarement le lecteur s'émouvra pour une telle galaxie de personnages. »
Thomas Mahler Le Point
« Une formidable cartographie de la société française contemporaine. »
Nelly Kaprièlian, Les Inrocks« Une comédie humaine d'aujourd'hui dont Balzac pourrait bien se délecter dans sa tombe. »
Pierre Vavasseur, Le Parisien« Une grande fresque d'aujourd'hui. On se doutait que Despentes pouvait l'écrire, mais on ne savait pas qu'elle y parviendrait avec une telle grâce. »
Frédéric Beigbeder, Le Figaro magazine « Le prochain tome devrait sortir vers la fin mars. Vivement le printemps. »
Thierry Gandillot, Les Echos -
« Le grand feu, c'est celui qui m'anime, et me consume, lorsque je joue du violon et lorsque j'écris. »
Léonor de Récondo
En 1699, Ilaria Tagianotte naît dans une famille de marchands d'étoffes, à Venise. La ville a perdu de sa puissance, mais lui reste ses palais, ses nombreux théâtres, son carnaval qui dure six mois. C'est une période faste pour l'art et la musique, le violon en particulier.
À peine âgée de quelques semaines, sa mère place la petite Ilaria à la Pietà. Cette institution publique a ouvert ses portes en 1345 pour offrir une chance de survie aux enfants abandonnées en leur épargnant infanticides ou prostitution. On y enseigne la musique au plus haut niveau et les Vénitiens se pressent aux concerts organisés dans l'église attenante. Cachées derrière des grilles ouvragées, les jeunes interprètes jouent et chantent des pièces composées exclusivement pour elles.
Ilaria apprend le violon et devient la copiste du maestro Antonio Vivaldi. Elle se lie avec Prudenza, une fillette de son âge. Leur amitié indéfectible la renforce et lui donne une ouverture vers le monde extérieur.
Le grand feu, c'est celui de l'amour qui foudroie Ilaria à l'aube de ses quinze ans, abattant les murs qui l'ont à la fois protégée et enfermée, l'éloignant des tendresses connues jusqu'alors. C'est surtout celui qui mêle le désir charnel à la musique si étroitement dans son coeur qu'elle les confond et s'y perd.
Le murmure de Venise et sa beauté sont un écrin à la quête de la jeune fille : éprouver l'amour et s'élever par la musique, comme un grand feu. -
Vous l'attendez depuis deux ans, le voici !
Vernon Subutex 3, le retour de Vernon, suite et fin de la trilogie. -
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Au milieu des années 80, élevée par une mère divorcée, V. comble par la lecture le vide laissé par un père aux abonnés absents. À treize ans, dans un dîner, elle rencontre G., un écrivain dont elle ignore la réputation sulfureuse. Dès le premier regard, elle est happée par le charisme de cet homme de cinquante ans aux faux airs de bonze, par ses oeillades énamourées et l'attention qu'il lui porte. Plus tard, elle reçoit une lettre où il lui déclare son besoin « impérieux » de la revoir. Omniprésent, passionné, G. parvient à la rassurer : il l'aime et ne lui fera aucun mal. Alors qu'elle vient d'avoir quatorze ans, V. s'offre à lui corps et âme. Les menaces de la brigade des mineurs renforcent cette idylle dangereusement romanesque. Mais la désillusion est terrible quand V. comprend que G. collectionne depuis toujours les amours avec des adolescentes, et pratique le tourisme sexuel dans des pays où les mineurs sont vulnérables. Derrière les apparences flatteuses de l'homme de lettres, se cache un prédateur, couvert par une partie du milieu littéraire. V. tente de s'arracher à l'emprise qu'il exerce sur elle, tandis qu'il s'apprête à raconter leur histoire dans un roman. Après leur rupture, le calvaire continue, car l'écrivain ne cesse de réactiver la souffrance de V. à coup de publications et de harcèlement.
« Depuis tant d'années, mes rêves sont peuplés de meurtres et de vengeance. Jusqu'au jour où la solution se présente enfin, là, sous mes yeux, comme une évidence : prendre le chasseur à son propre piège, l'enfermer dans un livre », écrit-elle en préambule de ce récit libérateur.
Plus de trente ans après les faits, Vanessa Springora livre ce texte fulgurant, d'une sidérante lucidité, écrit dans une langue remarquable. Elle y dépeint un processus de manipulation psychique implacable et l'ambiguïté effrayante dans laquelle est placée la victime consentante, amoureuse. Mais au-delà de son histoire individuelle, elle questionne aussi les dérives d'une époque, et la complaisance d'un milieu aveuglé par le talent et la célébrité. -
Philippe Grimbert est psychanalyste. Il a précédemment publié trois essais, Psychanalyse de la chanson (Les Belles Lettres 1996), Pas de fumée sans Freud (Armand Colin 1999, Hachette Littérature 2001) et Chantons sous la psy (Hachette Littérature 2002). La petite robe de Paul, paru chez Grasset en septembre 2001, était son premier roman. Un secret est son deuxième roman. Le Livre: Au commencement de ce roman, le narrateur raconte que, petit garçon et fils unique, il s'est inventé un frère : « J'ai longtemps eu un frère. Il fallait me croire sur parole quand je servais cette fable à mes relations de vacances, à mes amis de passage. J'avais un frère. Plus beau, plus fort. Un frère aîné, glorieux, invisible. » Ce fantôme tyrannique a hanté ses jeunes années. Entouré de silence, ployant sous une culpabilité familiale, le narrateur éprouve le besoin de raconter un passé qu'il s'imagine lisse et tranquille jusqu'à ce que Louise, vieille amie de ses parents et confidente de l'enfant, vienne tout d'un coup lui révéler un secret lourd et bouleversant. Ce frère inventé, Simon, a réellement existé et il est mort en camp de concentration avec sa mère, Hannah, la première épouse de Maxime. Soudain tout le poids de ce passé noir et caché va surgir et bouleverser la représentation du monde que s'était forgée l'enfant. Il imagine alors Maxime et Tania, ses parents, vivant leurs amours coupables. Quant aux morts sans sépulture, héros d'une tragédie trop longtemps occultée, ils vont provoquer un véritable retournement : c'est ce secret révélé qui fait naître chez le narrateur sa vocation de psychanalyste. Ici le travail d'écriture est devenu travail de deuil et l'auteur, tout en livrant sa part la plus intime, nous montre comment celui qui a souffert du silence peut devenir celui qui va en délivrer les autres.
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Après le drame qui a fait basculer sa vie, Léna décide de tout quitter. Elle entreprend un voyage en Inde, au bord du Golfe du Bengale, pour tenter de se reconstruire. Hantée par les fantômes du passé, elle ne connait de répit qu'à l'aube, lorsqu'elle descend nager dans l'océan indien. Sur la plage encore déserte, elle aperçoit chaque matin une petite fille, seule, qui joue au cerf-volant.
Un jour, emportée par le courant, Léna manque de se noyer. La voyant sombrer, la fillette donne l'alerte. Léna est miraculeusement secourue par la Red Brigade, un groupe d'autodéfense féminine, qui s'entraînait tout près.
Léna veut remercier l'enfant. Elle découvre que la petite travaille sans relâche dans le restaurant d'un cousin, qui l'a recueillie et l'exploite. Elle n'a jamais été à l'école et s'est murée dans un mutisme complet. Que cache donc son silence ? Et quelle est son histoire ? ...
Aidée de Preeti, la jeune cheffe de brigade au caractère explosif, Léna va tenter de percer son secret. Jadis enseignante, elle se met en tête de lui apprendre à lire et à écrire. Au coeur de ce monde dont elle ignore tout, commence alors une incroyable aventure où se mêlent l'espoir et la colère, la volonté face aux traditions, et le rêve de changer la vie par l'éducation...
La rencontre inoubliable et réparatrice entre une femme, une jeune fille et une enfant au milieu d'une Inde tourmentée. -
À 40 ans, Solène a tout sacrifié à sa carrière d'avocate : ses rêves, ses amis, ses amours. Un jour, elle craque, s'effondre. C'est la dépression, le burn-out.
Pour l'aider à reprendre pied, son médecin lui conseille de se tourner vers le bénévolat. Peu convaincue, Solène tombe sur une petite annonce qui éveille sa curiosité : « cherche volontaire pour mission d'écrivain public ». Elle décide d'y répondre.
Envoyée dans un foyer pour femmes en difficulté, elle ne tarde pas à déchanter. Dans le vaste Palais de la Femme, elle a du mal à trouver ses marques. Les résidentes se montrent distantes, méfiantes, insaisissables. A la faveur d'une tasse de thé, d'une lettre à la Reine Elizabeth ou d'un cours de zumba, Solène découvre des personnalités singulières, venues du monde entier. Auprès de Binta, Sumeya, Cynthia, Iris, Salma, Viviane, La Renée et les autres, elle va peu à peu gagner sa place, et se révéler étonnamment vivante. Elle va aussi comprendre le sens de sa vocation : l'écriture.
Près d'un siècle plus tôt, Blanche Peyron a un combat. Cheffe de l'Armée du Salut en France, elle rêve d'offrir un toit à toutes les exclues de la société. Elle se lance dans un projet fou : leur construire un Palais.
Le Palais de la Femme existe. Laetitia Colombani nous invite à y entrer pour découvrir ses habitantes, leurs drames et leur misère, mais aussi leurs passions, leur puissance de vie, leur générosité. -
« L'idée de Sam était belle et folle : monter l'Antigone de Jean Anouilh à Beyrouth. Voler deux heures à la guerre, en prélevant dans chaque camp un fils ou une fille pour en faire des acteurs. Puis rassembler ces ennemis sur une scène de fortune, entre cour détruite et jardin saccagé.
Samuel était grec. Juif, aussi. Mon frère en quelque sorte. Un jour, il m'a demandé de participer à cette trêve poétique. Il me l'a fait promettre, à moi, petit théâtreux de patronnage. Et je lui ai dit oui. Je suis allé à Beyrouth le 10 février 1982, main tendue à la paix. Avant que la guerre ne m'offre brutalement la sienne... » -
Voici l'art de vivre de Dany Laferrière. Sous forme de maximes, de réflexions commentées, de rêveries, cent pages pour devenir soi-même un peu japonais.
« J'ai voulu savoir comment les choses s'étaient passées dans cette vie où je n'ai pas cessé de bouger, souvent malgré moi. Toutes ces villes où j'ai vécu (Port-au-Prince, Petit-Goâve, Montréal, New-York, Miami, Paris, Tokyo), assez pour les intégrer en moi sans devenir sédentaire pour autant. Je suis passé, à peine étonné, du sud au nord, du rhum au vin, de l'été à l'hiver, jusqu'à devenir un cerisier en fleurs. J'ai franchi clandestinement les frontières de classes, de races ou encore celles qui séparent un pays d'un autre. J'ai accumulé diverses expériences au fil des jours ensoleillés ou pluvieux, mais je n'avais pas encore évalué ce parcours.
L'été dernier, j'ai découvert sous forme de réflexions fulgurantes, de haïkus langoureux, de descriptions hâtives d'un lieu, d'une situation ou d'un état d'esprit, ce qui s'était passé dans ma vie durant ce dernier demi-siècle. Lecteur horizontal, j'ai choisi de vivre dans ma baignoire ou dans mon lit sans quitter l'espoir qu'une inconnue frappe à ma porte. Je note que la plupart des gens veulent savoir ce que l'écrivain cache alors que je me contente de ce qu'il tente de me faire voir.
Pour rester dans cette simplicité proche de l'enfance, j'ajouterai que je lis une page les yeux ouverts, pour la repasser dans ma tête les yeux fermés. L'eau chaude de la baignoire me permet de fuguer en regrettant de ne pas l'avoir fait à certains moments comme la fois où j'ai manqué de prendre cette petite route de terre qui m'appelle depuis si longtemps, et cela même si j'ignore où elle me mènera. J'ajouterai que c'est quand on n'a rien à faire que le temps devient précieux. Mais pensant que la vie est linéaire, je tente vainement d'en sortir en prenant le bon chemin au mauvais moment. Pour finalement comprendre que ces petites notes, comme des touches de couleur, me dessinent un portrait naïf. Ce mince livre m'aura pris plus de temps qu'aucun autre. »D.L -
1348. La peste noire déferle sur l'Europe
1367. Deux jeunes frères dominicains se rendent à Toulouse pour trouver le précieux papier sur lequel leur prieur entend écrire le récit de sa vie. Et sa confession risque de faire basculer l'Eglise en révélant la vérité sur les origines de la Peste et la façon dont elle fut liée au destin de son maître, Eckhart de Hochheim, dit Maître Eckhart, théologien mystique et prêcheur le plus admiré de la chrétienté. Puis maudit.
Guerres, inquisition, persécution et trahisons ; des bancs de la Sorbonne aux plaines reculées d'Asie centrale, Antoine Sénanque mêle les destins de personnages historiques et de fiction, marie petite et grande Histoire, et signe un texte exceptionnel, tout à la fois roman d'aventures, fresque historique, étude théologique et policier médiéval. Un page-turner spirituel et dramatique dans lequel les paroles d'Eckhart et les choix de nos héros font sonner autrement le beau nom grave de fraternité. Un coup de maître. -
Une île : Maurice, la narratrice du roman. Quatre personnages : un oncle las de la vie, sa nièce, unique lumière pour lui, une femme qui vient de quitter son mari, un chef de bande assoiffé de vengeance.
Une journée où tout va exploser : la cité, les haines, peut-être l'île. Enfin, d'étranges animaux qui attendent patiemment que les humains finissent de détruire ce qui leur reste - leur humanité, leur foyer - pour vivre seuls, en paix : les caméléons. Unité de lieu, de temps, d'action. Le compte à rebours est lancé, le drame peut commencer.
Mais reprenons. Le roman s'ouvre, la ville est à feu et à sang. Zigzig, le caïd meneur, tient dans ses bras une fillette ensanglantée. Les plus pauvres viennent de s'attaquer aux plus riches dans le centre névralgique de l'île : le shopping center, désormais en ruines. Au loin, un volcan gronde. Comment en sommes-nous arrivés là ? Quelques heures plus tôt, Zigzig partait avec les siens attaquer ses rivaux tandis que Sara regardait danser une femme libérée sur une plage abandonnée. L'île rembobine et nous raconte. On suivra tour à tour chacun des personnages jusqu'à ce que leur destin se mêle. On remontera aussi le cours de l'Histoire pour comprendre comment les peuples, les servitudes et les logiques du monde moderne ont saccagé cette terre de merveilles et divisé ses habitants.
Avec sa langue tour à tour tendre et ironique, tranchante et poétique, Ananda Devi nous emporte dans un roman impossible à lâcher pour nous plonger dans le chaos des hommes. Le destin est en marche. Mais dans cette histoire-là, ceux qu'on croit les plus féroces seront peut-être les seuls héros. -
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Il n'y a pas de Ajar : monologue contre l'identité
Delphine Horvilleur
- Grasset
- Littérature Française
- 14 Septembre 2022
- 9782246831570
L'étau des obsessions identitaires, des tribalismes d'exclusion et des compétitions victimaires se resserre autour de nous. Il est vissé chaque jour par tous ceux qui défendent l'idée d'un « purement soi », et d'une affiliation « authentique » à la nation, l'ethnie ou la religion. Nous étouffons et pourtant, depuis des années, un homme détient, d'après l'auteure, une clé d'émancipation : Emile Ajar.
Cet homme n'existe pas... Il est une entourloupe littéraire, le nom que Romain Gary utilisait pour démontrer qu'on n'est pas que ce que l'on dit qu'on est, qu'il existe toujours une possibilité de se réinventer par la force de la fiction et la possibilité qu'offre le texte de se glisser dans la peau d'un autre. J'ai imaginé à partir de lui un monologue contre l'identité, un seul-en-scène qui s'en prend violemment à toutes les obsessions identitaires du moment.
Dans le texte, un homme (joué sur scène par une femme...) affirme qu'il est Abraham Ajar, le fils d'Emile, rejeton d'une entourloupe littéraire. Il demande ainsi au lecteur/spectateur qui lui rend visite dans une cave, le célèbre « trou juif » de La Vie devant soi : es-tu l'enfant de ta lignée ou celui des livres que tu as lus ? Es-tu sûr de l'identité que tu prétends incarner ?
En s'adressant directement à un mystérieux interlocuteur, Abraham Ajar revisite l'univers de Romain Gary, mais aussi celui de la kabbale, de la Bible, de l'humour juif... ou encore les débats politiques d'aujourd'hui (nationalisme, transidentité, antisionisme, obsession du genre ou politique des identités, appropriation culturelle...).
Le texte de la pièce est précédé d'une préface Delphine Horvilleur sur Romain Gary et son oeuvre. Dans chacun des livres de Gary se cachent des « dibbouks », des fantômes qui semblent s'échapper de vieux contes yiddish, ceux d'une mère dont les rêves l'ont construit, ceux d'un père dont il invente l'identité, les revenants d'une Europe détruite et des cendres de la Shoah, ou l'injonction d'être un « mentsch », un homme à la hauteur de l'Histoire.
« J'avais 6 ans lorsque Gary s'est suicidé, l'âge où j'apprenais à lire et à écrire. Il m'a souvent semblé, dans ma vie de lectrice puis d'écrivaine que Gary était un de mes « dibbouks » personnels... Et que je ne cessais de redécouvrir ce qu'il a su magistralement démontrer : l'écriture est une stratégie de survie. Seule la fiction de soi, la réinvention permanente de notre identité est capable de nous sauver. L'identité figée, celle de ceux qui ont fini de dire qui ils sont, est la mort de notre humanité. » -
Ce roman/récit n'est pas un nouveau livre ou un livre de plus de son auteur : c'est LE livre de sa vie, centré autour d'un épisode connu de ses seuls proches, un événement traumatique qu'il lui a fallu quarante ans pour écrire...
Filé et écouté par la police d'août 1983 à mars 1984 après avoir été dénoncé par lettre anonyme dans le cadre de l'enquête sur le groupe Action Directe, arrêté une première fois en mars 1984, placé en garde à vue et interrogé au 36 Quai des Orfèvres, convoqué à nouveau en mai 1984, Dan Franck est incarcéré pour « association de malfaiteurs » par le juge Bruguière et emprisonné à la prison de la Santé le 17 octobre 1984, jour anniversaire de ses 32 ans. Il y restera quarante jours, dont la moitié à l'isolement complet. Lors du dernier grand procès d'Action Directe en 1987, il sera condamné à 18 mois de prison avec sursis. Voici pour la sécheresse des faits.
Comment en est-on arrivé là ?
L'appartement qu'il a sous-loué à son meilleur ami a été utilisé, sans qu'il en ait connaissance, comme central téléphonique et base arrière d'Action Directe.
Dan Franck enquête sur son propre passé et nous livre un récit qui entremêle quatre temporalités : les années 80 avec la succession d'arrestations et d'interrogatoires par les enquêteurs de la Brigade criminelle et le juge Bruguière, où on le voit se débattre pour ne pas "charger" son ami de quinze ans qui l'a pourtant trahi et piégé; un flash-back sur les années 68 et les engagements politiques de l'époque ; les carnets de captivité rédigés en prison ; enfin la période contemporaine où les derniers mystères de cette intrigue sont révélés par l'inspecteur de police qui l'avait arrêté et interrogé quarante ans plus tôt.
Pourquoi l'auteur s'obstine-t-il, au prix de son arrestation, à ne pas dire tout ce qu'il sait ? Pourquoi le juge Bruguière, sachant qu'il ne faisait pas partie d'Action directe, a-t-il néanmoins choisi de l'incarcérer ? Qui a écrit la lettre anonyme lui faisant jouer un rôle qui n'était pas le sien, et pourquoi ? Que signifie résister : être fidèle à ses idées ou à ses amis, même quand ils dévoient un juste combat en parodie obscène et violente ?
A travers ce Rosebud, c'est toute la vie de l'auteur qui se réfléchit : ses engagements, ceux de son père et de son grand-père, son éducation sentimentale, son rapport avec l'écriture. Et toute une époque qui ressurgit, avec ses figures totémiques (Goldman, Semprun, Montand, Wolinski, et tant d'autres...) ainsi que son culte nostalgique du beau mot de fraternité. -
« Mon père a été chanteur, footballeur, professeur de judo, parachutiste, espion, pasteur d'une Eglise pentecôtiste américaine et conseiller personnel du général de Gaulle jusqu'en 1958. Un jour, il m'a dit que le Général l'avait trahi. Son meilleur ami était devenu son pire ennemi. Alors mon père m'a annoncé qu'il allait tuer de Gaulle. Et il m'a demandé de l'aider.
Je n'avais pas le choix.
C'était un ordre.
J'étais fier.
Mais j'avais peur aussi...
À 13 ans, c'est drôlement lourd un pistolet. »S. C. -
Elisabeth Frster fut l'unique soeur de Friedrich Nietzsche, écrivain, philologue, philosophe, être perpétuellement souffrant, vivant dans une solitude totale. De deux ans sa cadette, elle fut sa première lectrice, compagne, admiratrice. Tôt, elle se promet de tout faire pour que brille l'oeuvre de son frère à laquelle elle n'entend rien. En effet, elle fera tout. Le soignera, l'assistera, le portera. Et ira jusqu'à vendre ses écrits à Adolf Hitler, homme que Friedrich eut haï s'il l'avait connu.
Dans ce roman écrit d'un souffle, Guy Boley retrace chaque épisode de leurs vies : leur enfance complice à Naumburg, leur vie conjugale à Bâle où Fritz est professeur et où Lisbeth l'assiste, les week-ends chez les Wagner puis la rupture ; l'affaire Lou-Salomé, le mariage d'Elisabeth avec Bernhard Frster, antisémite déclaré avec lequel elle part en 1886 au Paraguay, fonder la colonie Nueva Germania. Pour revenir trois ans après, au chevet de son frère tombé dans la folie, inconscient, alité, qu'elle dit soigner mais qu'elle va trahir et spolier.
Amour, solitude, vengeance, trahison ; ambition dévorante, génie, haine, héritage, cruauté. Tout y est. Même les dieux qui Là-Haut jouent aux dés. L'équivalent en prose d'un drame shakespearien. -
« Stardust est le premier roman que j'aie composé dans l'intention de le faire publier. Écrit il y a plus de vingt ans, il relate un moment marquant de ma vie, cette période au cours de laquelle je fus accueillie dans un centre de réinsertion et d'hébergement d'urgence du 19ème arrondissement de Paris. J'étais alors une jeune mère de 23 ans, sans domicile ni titre de séjour. Mon souhait était surtout de me pencher sur ma vie à l'intérieur de ce foyer, de me libérer des histoires, des visages qui, plusieurs années après, continuaient de me hanter.
De Stardust, il est impossible de parler comme de mes autres romans. Il s'en distingue par son caractère autobiographique mais aussi par son style.
Ce que l'on trouvera dans ce livre, au-delà des événements qu'il relate, ce sont les raisons pour lesquelles je vécus si longtemps en France où j'étais venue contre mon gré.
C'est en fréquentant la rudesse de ses marges que j'ai le plus intimement connu la France, sans qu'il lui soit possible d'en faire autant. À sa manière, Stardust évoque aussi l'impossible appartenance au groupe, le recours impératif à la création littéraire, artistique, pour tenter d'entrer en relation. »L.M. -
A travers l'histoire d'une amitié adolescente, Makine révèle dans ce véritable bijou de littérature classique un épisode inoubliable de sa jeunesse.
Le narrateur, treize ans, vit dans un orphelinat de Sibérie à l'époque de l'empire soviétique finissant. Dans la cour de l'école, il prend la défense de Vardan, un adolescent que sa pureté, sa maturité et sa fragilité désignent aux brutes comme bouc-émissaire idéal. Il raccompagne chez lui son ami, dans le quartier dit du « Bout du diable » peuplé d'anciens prisonniers, d'aventuriers fourbus, de déracinés égarés «qui n'ont pour biographie que la géographie de leurs errances. »
Il est accueilli là par une petite communauté de familles arméniennes venues soulager le sort de leurs proches transférés et emprisonnés en ce lieu, à 5 000 kilomètres de leur Caucase natal, en attente de jugement pour « subversion séparatiste et complot anti-soviétique » parce qu'ils avaient créé une organisation clandestine se battant pour l'indépendance de l'Arménie.
De magnifiques figures se détachent de ce petit « royaume d'Arménie » miniature : la mère de Vardan, Chamiram ; la soeur de Vardan, Gulizar, belle comme une princesse du Caucase qui enflamme tous les coeurs mais ne vit que dans la dévotion à son mari emprisonné ; Sarven, le vieux sage de la communauté...
Un adolescent ramassant sur une voie de chemin de fer une vieille prostituée avinée qu'il protège avec délicatesse, une brute déportée couvant au camp un oiseau blessé qui finira par s'envoler au-dessus des barbelés : autant d'hommages à ces « copeaux humains, vies sacrifiées sous la hache des faiseurs de l'Histoire. »
Le narrateur, garde du corps de Vardan, devient le sentinelle de sa vie menacée, car l'adolescent souffre de la « maladie arménienne » qui menace de l'emporter, et voilà que de proche en proche, le narrateur se trouve à son tour menacé et incarcéré, quand le creusement d'un tunnel pour une chasse au trésor, qu'il prenait pour un jeu d'enfants, est soupçonné par le régime d'être une participation active à une tentative d'évasion...
Ce magnifique roman convoque une double nostalgie : celle de cette petite communauté arménienne pour son pays natal, et celle de l'auteur pour son ami disparu lorsqu'il revient en épilogue du livre, des décennies plus tard, exhumer les vestiges du passé dans cette grande ville sibérienne aux quartiers miséreux qui abritaient, derrière leurs remparts, l'antichambre des camps.