LE Roman
À Histoireville, tout le monde écrit et peut être happé dans les récits des autres. Mais certaines histoires ne sont pas bonnes à raconter, malgré les agents narratifs chargés de les contrôler...
C'est ce qui arrive au détective John Nyquist, qui se réveille à côté du cadavre de l'homme qu'il était payé à suivre. Le voici piégé dans le Corps bibliothèque, à la fois la tour de la cité Melville de laquelle il ne peut sortir et l'histoire dramatique écrite par un certain Obéron. De dangereux personnages sont à la recherche des pages de ce livre, dont Nyquist a trouvé un extrait, et ces pages recèlent un pouvoir véritablement envoûtant, voire mortel.
La série des « enquêtes de John Nyquist », entamée avec Un homme d'ombres en 2020, s'inspire du principe des Villes invisibles d'Italo Calvino ; l'action se déroule à chaque livre dans une ville différente, aux règles totalement fantasmagoriques. Ce polar new weird est éblouissant, étrange et poétique. Un roman à la Jeff Noon promet un voyage dans les contrées du fantastique, pour un mélange unique des genres et un renouvellement des formes de la narration. La Ville des histoires aurait pu être écrite par l'enfant d'Agatha Christie et de William S. Burroughs (pour son écriture-collage ou cut-up).
Si l'on excepte ses tendances lunatiques - ainsi qu'elle préfère les nommer -, Nora Keller est une jeune fille ordinaire, férue de cinéma, cultivant la différence et les crises existentielles en plus d'exécrer les secrets. Surtout ceux qui entourent son père, et que sa psychanalyste de mère persiste à protéger contre son obsession de vérité. Quand Nora découvre une piste sur l'identité de son géniteur, elle s'y précipite en compagnie de Régis, matheux cinéphile et petit ami en devenir. Retrouver son paternel depuis le coeur de Nice n'est cependant pas mince affaire, a fortiori lorsque le candidat le plus pertinent se relève aussi le plus défavorable à l'idée d'avoir une fille... En contre-point, l'infortunée Priscilla se morfond dans la clinique où elle s'est réveillée amnésique et paralysée, quelque part dans la baie de San Francisco. Elle ne manque pourtant pas d'amour en la présence de Nick Dickovski, son époux, qui la veille jalousement tout en assurant le programme de sa rééducation, mais d'étranges phénomènes ne tardent pas à immiscer le doute en elle. Pourquoi lui promet-on une sortie qui n'arrive jamais? Pourquoi les télécommandes rampent-elles au sol comme des insectes? Et pourquoi personne ne veut répondre à ses questions? Le temps, la mémoire, la perception du réel, les métamorphoses de la chair: autant de thèmes chers à Jacques Barbéri qu'il aborde avec un oeil passionné de cinéaste. Ce thriller psychédélique, flirtant avec le rêve et les bestiaires de toutes sortes qui firent sa réputation, annonce un terrifiant voyage sans retour, entre possibles scientifiques et monstruosité de l'amour.
Qui est Tony Montaldi? Qu'un ex-flic s'exprime en latin, il y a de quoi douter. Qu'il confie à Karen Novalsky, une privée, la recherche de sa moitié schizophrénique, « disparue » sans laisser de trace et c'est tout l'univers qui bascule dans un verre de scotch-benzédrine. Dessoûlée, Karen découvre rapidement qu'elle n'est pas seule sur la piste.
Mais quel rapport Montaldi et son double perdu peuvent-ils entretenir avec la révolte des modz sur Europe? Avec les facéties d'Anima, une intelligence artificielle en butte à la mélancolie? Quel lien avec l'astronaute Abraham Flighenstein de retour de la Nébuleuse de la Tarentule? La mort d'un ingénieur de la Compagnie de Navigation, en pleine dérive synaptique? Les peines de coeur du lieutenant Katleen Slovotba? La reconversion de Gros-Boeuf en lapin dealer? Et avec les tiraillements d'une poignée d'universicules?
Tony Montaldi pourrait aussi bien être la clé d'un complot aux dimensions interstellaires qu'un McGuffin jeté par un dieu ivre à ses ouailles défoncées. Mais si une Danseuse a pris la peine de quitter la fin des temps pour venir mettre de l'ordre du côté de Narcose, c'est que manifestement, « un frottement de branes et de cordes, d'étincelles quantiques » ont fini par mettre « le feu aux poudres de la Structure. » Dernières nouvelles! On annonce l'évasion de Belzébuth et de sa bande de mouches
Le Tueur venu du Centaure déroule un récit qui, ainsi que le définit Jacques Barbéri, «passe le cyberpunk et le polar hard boiled à la moulinette de l'avant-pop!»
Une délectation où la langue tortille comme une « plastiqueue », suave, neuve. Fourrageusement rabelaisienne.
Le Tueur venu du Centaure est le troisième volet, inédit, du tryptique de Narcose.
Qui a tué Pricilla Rosetawer»? Harry Botkine est un artiste consacré, un as du rodéométathrombix, des concerts en perfusion collective. Lorsqu'il reçoit le corps de son amie, momifié dans un cocon en soie d'araignée, il est déjà trop tard. Quant au message accompagnant le crime, délivré par une grenade de pollen métabolique, il est au-delà de l'obscur, jouant « toutes les couleurs du noir ».
À une vitesse hallucinée, passant entre les mains, les bouches et les symbiotes sexuels de femmes voraces et volup-tueuses, Harry remonte le fil. Ou n'est-ce pas plutôt qu'il s'englue dans la toile tendue par le meurtrier»? Narcose. Psychose»? Harry Botkine n'est-il pas le premier suspect»? Ce n'est qu'au bout d'un voyage d'un érotisme torride et angoissant, en ayant « acquis, comme les rêveurs, le don de se voir agir » qu'Harry touchera au coeur de la psychomachination.