Ce recueil de dix-huit poèmes aux accents généralement angoissés dit toute la douleur de la femme aux multiples facettes : vieille femme dont la beauté a tari et qui est délaissée, femme stérile frappée d'ostracisme, mère génitrice de tous les maux, réceptacle des douleurs du monde, femme objet de plaisir, veuve impuissante et résignée, femme victime de toutes les calomnies. L'omniprésence du thème féminin ne fait pourtant pas passer sous silence le sort de l'enfant surexploité, victime de viol et des guerres, ni oublier les maux communs à l'Afrique : malnutrition, famine, exode, maladie, sida, corruption, dictature, guerres, pièges de l'aide, trafics d'armes et guerres civiles. Pourtant, le quotidien n'est pas éternellement précaire, car le poète sait lui donner du sang neuf. D'abord au sein de la « maison » où se mêlent peines et joies et où les contrariétés sont transformées en contradictions vivifiantes. Ensuite par le biais de la femme résignée dont la force morale permet de transpercer l'opacité de l'histoire, de la traverser, dans la quête d'une nouvelle identité unifiante (guinéenne, mère, citoyenne, fonctionnaire), au-delà des contingences linguistiques et ethniques. Il s'agit d'un repère infaillible sur lequel le poète peut d'ailleurs fonder des certitudes nourries : « Tel un géant, mon pays s'affirmera ».
Entre son attachement à son continent d'origine et sa vision du monde universaliste, Oumar Diagne nous parle, dans ce texte, de ses tourments, de ses espoirs déçus, de sa profonde souffrance. Ce recueil de poèmes est un cri, un appel. Mais l'homme ne quitte pas son optimisme sombre. L'Afrique de son enfance le fait vivre et lui permet de résister aux aléas de la vie. Ainsi, il poursuit son errance, un peu plus serein.
« L'image impose au verbe la tyrannie de son talent. Qu'on me pardonne donc l'audace de ce turbulent mariage. J'ai simplement rêvé d'un regard pluriel qui offre une vue d'ensemble à mon vertige. Aux puristes de l'iconographie, je confesse n'avoir pas fait de l'esthétique une obsession : la scène jugée anodine aujourd'hui peut ouvrir le champ demain à une autre lecture. Voici donc quelques séquences de cette Azanie parfumée d'hémoglobine. Tout y est vicié, puisque l'oxygène là-bas est investi de plomb et de poudre. À cause de quelques hommes qui essaient de castrer la lumière... » Célestin MONGA (extrait de l'introduction)
Dédié d'emblée aux « éprouvés du monde », ce recueil de poèmes fait en même temps d'eux les points brillants vers lesquels le regard et le dire se dirigent énergiquement. Tout part de Bouaké, la « ville-refuge ». Les images, les apparences et les mots s'édifient ou se déclinent parce que la poésie sourd là où le poète esquisse d'abord une approche des couleurs et des sons qui entourent les hommes et les femmes de sa « ville-nourrice ». Au moment où, dans l'intermittence qui lui a permis de s'affirmer, la parole commence à devenir exploratrice, elle prend ses distances par rapport au cours familier du lieu natal. Plus rien n'est voilé. Des hommes aux ventres vides surgissent dans la rue et dans les poèmes. Ces hommes qui « sont des milliers » vivent dans une douleur et une exaltation fulgurantes. Tentant de mettre un terme à mille désastres, ces mêmes hommes préparent la renaissance d'un futur qui semblait exsangue. Quelque part en Afrique, quelques-uns de ces hommes s'appellent Steve Biko ou Benjamin Moloïse. Ailleurs, toujours en Afrique, ils portent ces mêmes noms - ou d'autres encore. C'est aussi en faisant de ces noms de véritables repères que le rythme de ces poèmes se fragmente puis se propulse en avant : l'exigence d'écrire et de décrire excède ainsi tout ce qui annihile l'homme.
L'auteur de ces poèmes accorde une grande attention à la puissance et à la charge des mots. Il confronte et allie un grand sentiment des choses insaisissables et une approche constante des phénomènes naturels. La poésie est un mode de transformation miraculeux ou radicalement neuf du concret. Le regard posé sur le monde ne peut pas ne pas être empreint d'un sentiment de joie : l'écriture permet d'exprimer et d'exalter somptueusement l'aspiration à vivre intégralement ce qu'il est possible de vivre et d'atteindre. Lorsqu'un cri de révolte est émis, il l'est essentiellement parce que certains humains s'éreintent et s'abrutissent, et parce qu'il faut « recréer la géométrie du verbe » et, en même temps, cheminer le long de la fresque animée qu'est le « corps de la terre ». Tissu de secrets, de légendes, de rêves et de mystères, le monde ne peut être exploré superficiellement. Seule « la recherche d'une lumière » illustre et singulière éclairera sous un jour neuf la vie, l'amour et la mort. La « recherche » de la « lumière » ne peut se dérouler qu'au fil d'un voyage durant lequel, échos réguliers et changeants, les battements du cour et de la chair ébranlent certaines convictions et nourrissent de profonds et nombreux espoirs.
Dans ESPACES ESSENTIELS, RENE PHILOMBE nous dit pleinement sa terre - Il nous incite avec une sorte de précision lyrique à la communion avec nous-mêmes. Ces poèmes sont une tentative pour pénétrer au plus intime, au plus secret. PHILOMBE veille : il revendique le droit de parler et de chanter pour réveiller l'espoir du peuple.
Ce recueil de poèmes rassemble des chants dédiés au « monument humain ». C'est une ouvre à travers laquelle Jean-Claude Lemoine rappelle et exprime ses affinités avec diverses cultures. La suite des poèmes est l'évocation d'un itinéraire balisé par quelques noms de pays ou de villes. L'espace de la poésie est cerné au fil des voyages, au fil des déplacements du poète. Jean-Claude Lemoine renoue avec l'histoire des lieux qu'il voit ou survole. Il arrive que l'histoire des lieux soit aussi celle des dieux. Ici, le poète retrace les péripéties de la conquête de l'Amérique en usant d'une langue alerte. Là, la présence de l'Afrique se donne à voir à travers le Vaudou haïtien. Ailleurs, Othello de Venise et Osiris d'Égypte ressuscitent, et le poète retrouve les siens et se retrouve lui-même en s'expatriant. Jean-Claude Lemoine passe d'un bout à l'autre du monde, noue avec les endroits qu'il traverse un rapport charnel et chemine vers les horizons de la poésie.
Etymologiquement, la poésie de Geneviève CLANCY est paradoxale. Elle s'énonce d'un lieu apparaissant comme parallèle à l'opinion courante. Elle ne s'affirme pas contre celle-ci; mais à côté d'elle. Originellement, le paradoxe marginalise une opinion. Or, la poésie telle qu'elle se dit dans ce recueil, érige un lieu devenant vite unique et que régit un projet anthropologique grâce au télescopage dans l'imaginaire (le titre « réseaux » donné au recueil assure ce recours sémantique), la vie et le sens y concluent un pacte d'alliance tendant davantage à abolir qu'à réduire au minimum l'écart entre eux. Dès lors, la technique poétique ici utilisée (le changement de catégorie grammaticale les substantifs deviennent des verbes) contribue à la création d'un climat poétique tout à fait endogène. Ainsi : « l'imminence où l'orage verre et ventre sa profondeur » et « l'eau louve mille mains ». L'originalité de la poésie de Geneviève CLANCY est à la mesure de son exigence le langage institue la norme minimale de la quête d'une universalité véritablement intégrale.
Un poème dont on retiendra le foisonnement d'images étranges, insolites voire cruelles : le poète « donne à voir » au gré de ses « fantasmes » et les anaphores dont il use modulent un chant qui va crescendo, emporté par la vague d'un lyrisme débridé pour retomber dans la chute finale là où « commence la brisure ».
Prodigieux, parfait et prestigieux « organisateur des rêves » les plus inédits, « ordonnateur » d'un feu croisé de fantasmagories, Paul Laraque creuse, plus que d'autres, les souvenirs qui arriment tout être à son enfance. Au milieu d'un cercle magique, il défie le temps, le sérieux quotidien, opte pour une vie immensément éclatante, adopte des images et des sons enchantés, lumineux. La terre est un inqualifiable bateau ivre. Les hommes ressemblent, au milieu d'épreuves inimaginables, à des « silhouettes tragiques ». Heureusement, toujours, l'imagination l'emporte sur la haine, la méfiance et la mort. Tout au long du cérémonial inouï des réjouissances les plus inattendues, les inflexions sobres et pleines de couleur de la voix poétique transgressent de façon géniale le moindre interdit et tendent vers l'expression de la plus grande tendresse après avoir, durant des moments plus ou moins brefs, mesuré l'étendue de la détresse écrasante, dévorante et incroyable, dégradante que connaissent parfois des « Antilles de misère et de rêve ». Laraque fait naître des lieux inconnus tout en identifiant, grâce à son travail créateur, certains lieux de la mémoire haïtienne. Car l'amour viscéral d'Haïti est mis en valeur dans ces poèmes hors pair, lucides, exigeants, parfois déchirants, souvent émouvants et grandioses, incomparables.
EN ATTENDANT LE VERDICT est la clé d'un itinéraire, d'une passion. La passion de la vie. La passion de la parole seule et haute, célébrant une terre immense. Ici, poète et poèmes voyagent jusque dans les racines torrentielles du rêve qui engendre des clairs soleils pour demain - Poésie issue des tréfonds de l'origine, de l'histoire et de la géologie d'un pays vibrant de fraternité, à l'heure où point l'aube d'un jour nouveau. L'écriture de Fernando d'Almeida est pétrie de mots qui s'étincellent et nous plongent dans un horizon à la dimension d'un grand talent.
Il n'y a pas de frontières entre les différents espaces poétiques de Raouf Raissi. Pas d'intitulés qui découpent les textes entre eux. Une poésie qui pourrait être comme le vent informel, si l'on n'y sentait un souffle éclatant de rythme hors rythme qui assure une certaine régularité tonale, en évitant l'écueil d'une cadence trop évidente; maîtrise de l'image par une rationalisation voulue du langage qui n'altère pas le foisonnement d'une imagination vive; maîtrise de l'écriture qui permet à l'auteur de ne pas avoir recours aux effets pour donner vie et clarté à ses poèmes.
Voici un livre nouveau, un livre simple comme d'ouvrir les yeux à la naissance d'un cheminement, un livre qui demande si son obscur parcours produira des fruits de lumière et si une vie qui s'est levée sur des bruits de morts vaut la peine qu'on s'y attarde. Mais le chant altier de ceux qui partent du bon pied pour vivre commodément ne prodigue pas toujours les joies attenantes et le cri qui s'envole en bouleversant la mer n'est pas toujours une semence perdue. Par bonheur, la terre natale sait d'instinct irriguer l'image. Elle nous appelle de sa haute fièvre dans l'écoulement du soir, sans fausseté aucune et jamais à bout d'espoir. L'ouvre d'art qu'elle fertilise plonge toute cahotante aurore, toute aventure ruineuse dans un flux de joie repeuplée, son maternel langage sait raccorder les cours soupçonneux, faire baisser l'arme de détresse. Est-il autre espace plus rassurant pour confirmer l'audace des enjambées peureuses? Que son peu de bleu qui ne soit pas défloré par le temps permette de conserver intact le ciel. Quant à moi, j'ai trop vécu au dehors, exposé aux froidures, tourmenté par le don des ruines et l'incendie longé, exempt de la densité de l'amour proche à s'accomplir. Les mirages qui de leurs sables s'ouvrent et illusionnent le rivage, les tentatives d'existences rêvées ne prolifèrent plus à ma vue. Les ornières passées ne s'interrogent plus comme à regret. L'heure est venue de me retirer dans les feuillets d'un livre qui emprunte par plaisir aux brumes de l'enfance rappelée et de me tenir dans les parages crépusculaires du soleil déclinant des fins de vie.
Trois directions, trois problèmes marquent les poèmes ici réunis. Ils se constituent tous autour d'une réflexion portant sur les possibilités qu'engendre l'écriture et sur le sens vrai du livre poétique. L'ouvre se dévoile donc en réfléchissant sur elle-même et en se réfléchissant, en s'engageant dans la construction ou la redéfinition du temps où elle germe. Le dire et le dit renvoient-ils à une origine hypothétique ? Proviennent-ils d'une source historique, réelle ? Le dire des anciens initie toute méditation. Le poète ne peut pas ne pas récapituler, détailler et déterminer sa généalogie. Le dire poétique s'inscrit dans un devenir. Il sourd au milieu des cauchemars, au milieu des brasiers mondains, au cour de l'amertume et des rêves les plus exigeants. Concrètement, l'errance du poète implique aussi l'exil de la voix dont il est porteur. Dès lors, chaque fois qu'il interpelle et interroge le monde, le poète devient, en quelque sorte, l'« emblème des rêves ». Son écriture est alors une annonce, une proclamation anticipatrice.
La poésie de Charles Carrère est intimiste et un tantinet confidentielle. Elle est écrite sous l'abat-jour. Au lieu d'égratigner la page blanche, la plume l'adorne d'une dentelle soignée d'italiques. Pas de cris. Le rythme est celui fervent et triste des déferlements de vague marine, à marée basse et à la vesprée à Gorée. Une légère tristesse empreint les mots. A toutes les extravagances de violon, le poète préfère la mélodie et la barcarolle. Senghor recommande que la lecture de certaines de ses élégies majeures soit accompagnées, soit de kora, soit de balafon, soit de tam-tam. Celle de la poésie de Charles Carrère commande un décor sauvage d'hibiscus écarlates, de bougainvillées jaunes panachées de violet, de lianes grimpantes, de murs moussus comme est composé son « éden » goréen, quand l'alizé tisse à la lumière humide sur la trame de rumeurs de la mer, et qu'un vol de goélands paraphe le couchant.
La poésie d'IIie Constantin dit l'éternité et la Paix. Des poèmes qui s'effilent en rêves prolongés, des mots qui cherchent à réinventer le monde. Les textes d'Ilie Constantin portent le témoignage de la souffrance et de la puissance. Ils sont empreints d'une foi profonde, du désir de l'infini. Ici, l'homme refait l'itinéraire de la genèse, le parcours historique, lorsque le verbe s'est fait terre, lorsque la parole s'est faite corps. La mythologie qui va de la descente d'Ulysse aux enfers à la réincarnation des étoiles, porte en elle-même le signe d'une alliance nouvelle.
Escales, recueil de poèmes libres, retrace le plaisir de voyager avec la polysensorialité en éveil, pour observer au fil des croisades, la richesse et la diversité des patrimoines culturels, à travers les saveurs, les odeurs, les images, les sons qui se devinent à travers la description typique des espaces pluriels. Il révèle aussi l'enchevêtrement des discours hétérogènes qui font résonner l'intertextualité. Malgré un nationalisme revendiqué à travers son attachement à son Sénégal natal, l'auteure encourage l'ouverture. Il n'est alors nullement, fortuit, que le Sénégal et la Gambie soient à l'honneur dans cet ouvrage, à l'image de deux Etats souverains, indépendants mais au sang mêlé, pour raffermir la paix des cours. Le rapprochement des oppositions dans une sorte de chiasme marque le style d'écriture de l'auteure afin de rappeler instantanément le nécessaire relativisme en toute chose. Ce dernier permet ainsi de mieux saisir les nuances et d'affirmer : non plus la vérité humaine mais les vérités humaines, non plus le credo mais les credo, au fil des histoires et du temps. Escales, se résume en deux mots : le dynamisme et la variation pour se clore en un hommage émouvant dédiée à sa muse : sa mère mi-ma et son meilleur ami Don, le père.
Mandela, ce nom lancé à travers siècle, comme celui de Gandhi ou Luther King, appelle les hommes à se défaire des frontières, à se garder des hérissements qu'en tous lieux elles provoquent. Hauteur, passion de l'âme noire, Mandela marche en nos devants. Il guérit les ébréchures de la terre qui s'imposent trop souvent au sens commun. Exposé aux grands outrages, il lave en nous le flux amer qui assaille le continent d'humanité. Visage semblable à celui d'un soleil vaste ôtant lumière du fourreau, ôtant le cour et la pensée des préjugés qui les dominent, ôtant l'audace des bontés du venin des lassitudes. Bien-aimé de nos jeunesses et bâtisseur de ces jeunesses, offrant les clefs d'un avenir qui se refuse à être vain. Entre tes mains, la joie du monde à reconstruire, le déni de ce qui offense et qui meurtrit. Entre tes mains mêlées aux nôtres, la terre rude, notre origine à dépolir.
« Éclats de lune » est un recueil de poèmes, plus précisément une suite poétique, illustré par des esquisses au crayon. Les poèmes sont écrits au gré de « l'inspiration du poète ». Le poète parle de lui-même, de ses doutes métaphysiques, de son inquiétude spirituelle, mais aussi de la nature, de l'existence, de la femme, de la nature de l'acte poétique, le tout sur fond de quête identitaire, d'angoisse et de déréliction. Poésie du terroir, lyrique toujours, élégiaque parfois mais jamais larmoyant, « Éclats de lune » crée un véritable univers poétique par la rencontre réussie entre un poète et son lecteur, d'une « profération » et d'une émotion. Avec un sens certain de la métaphore et de l'image analogique. La parole advient dans la parturition du verbe ou, comme le dit Lucien Lemoine, son illustre préfacier, sa parole est une « parole écrite, (une) « parole peinte », comme dit le poète. Et le préfacier de poursuivre « Sans me hâter je demande la parole pour dire ma joie, mon plaisir, le plaisir que j'ai à lire ces Éclats de lune du cher Victor-Emmanuel, à les loger sous mes paupières, à les nouer sous ma langue... » Le poète livre un beau texte enraciné dans le terroir sénégalais qu'il aime jusqu'au délire; texte enraciné mais aussi texte promontoire interpeller l'horizon où meurt la parole dans le surgissement du recueillement balayé par les Alizés marins et l'appel du grand large. « Homme libre, toujours tu chériras la mer/la mer est ton miroir/et tu contemple ton âme/dans le déroulement infinie de sa lame » disait Baudelaire dont Césaire a dit que sa poésie est une postulation irritée de la fraternité : tel est bien l'ultime message du poète. »
Dans son dernier recueil se retrouve tout le lyrisme dont s'est nourri son existence de poète et d'homme public. Lyrisme fait d'amour et d'observation de son île natal. Vers libres hérités de la prosodie mais conservant sa présence : « Et que serait mon chant de poète : Si mais vers ne cascadaient/ Comme la chute de ces reins/ S'ils ne brillaient comme ces sourires/ Cette mer de mages/ Rythme modulé des senteurs d'épices/ Pieds libres, dansants césure ivre/ Portant le secret des mythes... Je ne suis que fils d'une île/ Reprenant sur les perrons de la mer Indienne/ Le chant de Boileau et de Hugo/ Rythmant dans la ceinture rimailleuse du ressac/ le dérèglement de Rimbaud.../ battant au rythme du balafon/ Sur les pouls de l'Afrique/ Sang rouge sang noir... ». Mais du lyrique passionné qu'est Sylvestre Le Bon seule l'expression poétique doit retenir le lecteur : images originales, style déconcertant, héritage littéraire qui rallie différentes voix, absence de ponctuation à la mode chez les poètes aujourd'hui. Sylvestre voyageur qui nous conduit à tous les ports, à toutes les sources : la mer de sable fin, les souffles salés, les
De 16 ans jusqu'à sa mort, aussi inattendue qu'imprévisible, Clément junior a tenu la plume pour témoigner de son bref parcours et faire partager sa vision de la vie, notamment dans ce qu'elle peut avoir de trouble et d'éphémère. La naissance, la vie, la mort et l'au-delà sont des thèmes qui reviennent avec une cadence quasi rituelle. Les troubles socio-politiques du Congo Brazzaville lui ont fait connaître l'exil intérieur et l'ont contraint à quitter son pays.
« Certaines personnes ont mal / Au cour au ventre / Au foie au rein / J'ai mal à mon pays » Ce pays, le Congo, est omniprésent dans ces Chroniques de l'ombre que Ch. SEDAR NDINGA nous offre comme autant de « lucides égarements ». Dans ces poèmes qui disent, avec pudeur, la douleur, l'inquiétude ou la colère, court une même obsession : « Voir éclore / Sur chaque fleur de ce pays / Une aube couleur d'espoir » Cette poésie qui s'élève, lumineuse et ardente comme une flamme, dévoile et prédit : elle découvre devant nous l'injustice du monde mais nous délivre aussi un pur et clair message d'espoir. À la fois secrète et offerte, dépouillée d'artifices, désencombrée des fioritures faciles qui en atténueraient la force, la parole militante et poétique de SEDAR NDINGA affirme, malgré le doute et l'angoisse qui l'assaillent, une indéracinable foi dans l'humain : « Car l'homme est grain enfoui / Dans le sein chaud de la terre / Pour que germe / la vie / Sans rivages »
Un soupçon de rosée, Sous un soleil de mai, Une aube qui s'étire, Et baille ses parfums, La nuit qui se déchire, En mettant bas le monde, Ton souffle près du mien, Dans ce nouveau matin, J'ai oublié le reste, Alors je suis heureux."
Preuves vivaces de la permanence et de la vitalité d'une tradition culturelle populaire, ces Chansons Bamiléké suivies de Déchirements témoignent également de la créativité sans cesse à l'ouvre dans ces formes d'expression collectives : « Quand l'émotion s'empare des foules, tout le monde devient poète. Un poème n'est pas un texte figé. Il est toujours le même et toujours changeant comme le fleuve ». Traduire, adapter en français cette poésie enracinée dans une terre et une langue africaines n'était pas chose aisée mais ici, la transposition est aussi création, renouvellement du chant et donc préservation et enrichissement de l'essence même de cette parole. Poésie populaire, expression d'une sagesse, d'un savoir-vivre qui ont résisté à la tourmente coloniale et aux déceptions de l'après-indépendance, ces Chansons Bamiléké disent avec pudeur les grandes et petites choses de l'existence, les joies et les douleurs mais aussi les émerveillements de la vie. Qu'il s'agisse de la « Demande en mariage », du « Chant d'un ignorant », de « L'espérance » ou encore du « Désir », une même ferveur jaillit de ces poèmes. Cette ferveur est celle qui anime ceux qui croient, comme Patrice KAYO, envers et contre tout que : « aucun deuil ne peut ternir l'éclat du soleil » et que c'est « l'entêtement de l'étoile qui finit par avoir raison de la nuit ».