En août 1940, le maréchal Pétain, chef de l'État français, décide de rassembler les anciens combattants dans une organisation unique, afin de relayer sa politique dans tout le pays. Avec plus d'un million d'adhérents, la Légion française des combattants s'impose comme le seul mouvement de masse du régime de Vichy.
La propagande pétainiste présente ces légionnaires comme les symboles de la popularité du chef de l'État, mais la réalité est plus complexe. De fait, les anciens combattants étaient déjà répartis dans l'entre-deux-guerres dans des associations très actives dont la Légion prend, à bien des égards, la suite.
Au plus près de ses membres et de leurs activités concrètes, Anne-Sophie Anglaret retrace la naissance, l'action et le déclin des sections de la Légion et montre la force des sociabilités locales par-delà le changement de régime. Elle met aussi en lumière la grande porosité idéologique entre les principes de la révolution nationale et les associations conservatrices d'avant-guerre.
Elle permet ainsi de mieux comprendre ce qu'a été la Légion et, partant, ce qu'a été Vichy : non pas une parenthèse, mais l'adaptation d'une tendance de fond à un contexte exceptionnel.
À la fin des années 1930, près de 760 000 Juifs vivaient en Roumanie. En 1945, ils n'étaient plus que 375 000. Fondé sur un accès privilégié aux archives secrètes du gouvernement roumain, ce livre offre une analyse sans précédent de milliers de documents délibérément cachés jusqu'aux années 1990. Pièces d'archives, rapports, mémoires de survivants, lettres privées, Radu Ioanid mobilise tous ces éléments pour restituer les politiques roumaines de persécution et d'extermination des Juifs sous le régime dictatorial de Ion Antonescu.
Parmi les centaines de milliers de Juifs roumains disparus pendant la Seconde Guerre mondiale, les deux tiers ont en réalité péri sous les coups de l'administration d'Antonescu, et non dans les camps du Grand Reich, comme on l'a longtemps pensé. Ce sont ainsi au moins 250 000 Juifs qui moururent sur ordre direct des autorités de Bucarest. Déportations en masse vers la Transnistrie, massacres par la police et la gendarmerie à Jassy, Odessa ou Berezovka : il y eut une véritable " solution finale " à la roumaine.
Radu Ioanid met en lumière la réalité des persécutions, la cruauté de leurs auteurs, leur opportunisme flagrant et leur cynisme sans frein. Cette histoire est celle de la destruction et de la survie ; de la réaction des Allemands face à la violence roumaine désordonnée ; d'une politique nationale fluctuante dans le contexte mouvant de la guerre qui a permis à plus de 300 000 Juifs roumains de survivre.
Des études documentées comme celle de Radu Ioanid constituent la meilleure réponse aux tendances actuelles dans de nombreux pays, dont la Roumanie, à réhabiliter les auteurs des crimes de l'époque de l'Holocauste.
L'histoire de la Renaissance a fait une place à l'art de ses grands architectes, Brunelleschi, Bramante ou Delorme. Mais elle n'a eu aucun égard ou presque pour leur pendant maritime. Les mots de la mer et de l'architecture navale, souvent exigeants, semblent former comme un écran à notre connaissance. Pourtant, l'univers maritime fait partie de l'Histoire, de notre horizon culturel. Et plus encore la Méditerranée, ce complexe de mers cher à Fernand Braudel. Au cours de la Renaissance, sans navires, il n'y aurait eu ni commerce entre les rives de la Méditerranée, ni échanges intellectuels, ni guerres.
En s'appuyant sur les écrits des XVe et XVIe siècles, mais aussi sur les découvertes archéologiques, cette étude réinterroge l'art de la construction et du charpentier de marine. Après un bref retour sur les techniques et leur vocabulaire, le lecteur se laisse porter dans une exploration fine des conceptions navales, pour en saisir les lointaines origines, les innovations, mais aussi les secrets. Croisant les sources, Éric Rieth pose des jalons pour une première histoire de l'architecture navale de la Renaissance, en tenant compte, avec soin et attention, de l'imbrication inextricable des espaces de navigation méditerranéens. Acteur et témoin de l'histoire, le bateau est le signe, visible et tangible, d'une civilisation foisonnante.
Grand Vizir, homme de parti à la tête du Comité Union et Progrès, Talaat Pacha (1874-1921) a exercé un pouvoir considérable et s'est imposé comme le dirigeant de facto de l'Empire ottoman pendant la Grande Guerre. Hans-Lukas Kieser brosse ici magistralement son portrait, depuis son rôle dans la révolution jeune-turque de 1908 jusqu'à son exil dans l'Allemagne de Weimar en 1918 et son assassinat. Il explique comment Talaat s'est maintenu à la tête de l'Empire grâce à un puissant mélange d'impérialisme revisité, d'islam politique, de violence extrême et d'ultra ethno-nationalisme qu'il a contribué à forger et qui a affecté toutes les minorités non turques. Il examine précisément ce qui l'a conduit à organiser et faire exécuter un acte monstrueux, fondateur de la nation turque : le génocide des Arméniens. Replaçant cette histoire au cœur des événements mondiaux, pointant la complicité plus ou moins appuyée de ses voisins occidentaux, Hans-Lukas Kieser montre combien les actions cataclysmiques de Talaat et ses crimes, restés impunis, ont été déclencheurs de notre " terrible XXe siècle ".
Par sa conception de ce que devait être la nation, Talaat, avant Kemal Atatürk en 1923, a posé les fondations de la Turquie moderne. Il a continué à exercer une influence souterraine jusqu'à nos jours.
Préface d'Antoine Garapon
Traduction de l'allemand par Gari Ulubeyan
La sociologie a fait un usage privilégié du Moyen Âge pour se constituer en discipline autonome. Auguste Comte, Émile Durkheim, Max Weber, et plus tard Pierre Bourdieu ont ainsi pensé les transformations des sociétés contemporaines depuis la distance offerte par cette période et forgé des concepts à valeur générale comme le charisme, la rationalisation ou l'habitus. Les médiévistes ont pu à leur tour s'en emparer et les mobiliser. Mais le dialogue, déjà fécond, entre histoire et sociologie n'est pas sans poser de difficultés, notamment parce que certaines notions se fondent sur un Moyen Âge qui n'existe plus, tant les représentations et connaissances sur cette période ont évolué au cours du dernier siècle.
Alexis Fontbonne propose ici de faire revenir la sociologie à l'étude du Moyen Âge, afin de poser les bases d'une véritable sociologie médiévale. S'appuyant sur les derniers travaux de la médiévistique, il présente une démarche, qui, à partir d'outils et de déconstructions critiques, devrait permettre une meilleure compréhension des pratiques sociales et de l'univers mental du Moyen Âge et proposer un renouvellement de certains concepts sociologiques.
Comment et pourquoi 75 % des juifs ont-ils échappé à la mort en France sous l'Occupation, en dépit du plan d'extermination nazi et de la collaboration du régime de Vichy ? Comment expliquer ce taux de survie inédit en Europe, dont les Français ont encore peu conscience ?
Comment et pourquoi 75 % des juifs ont-ils échappé à la mort en France sous l'Occupation, en dépit du plan d'extermination nazi et de la collaboration du régime de Vichy ? Comment expliquer ce taux de survie inédit en Europe, dont les Français ont encore peu conscience ?
Jacques Semelin porte un regard neuf et à hauteur d'hommes sur les tactiques et les ruses du quotidien qui ont permis aux persécutés d'échapper aux rafles et déportations. Au-delà du contexte international et des facteurs géographiques, politiques, culturels, il montre que les juifs ont trouvé en France un tissu social complice pour les aider, surtout à partir de l'été 1942, malgré l'antisémitisme et la délation.
Entre arrestations et déportations d'une part, gestes d'entraide et pratiques de solidarité d'autre part, ce livre est tout sauf une histoire édulcorée des quelque 220 000 juifs toujours en vie en France à la fin de l'Occupation. C'est une histoire au plus près des réalités quotidiennes des persécutés juifs, français et étrangers, illustrée par les trajectoires d'individus ou de familles, dont le lecteur suit l'évolution de l'avant-guerre aux années noires.
" Ce livre que j'aurais tant voulu écrire, c'est Jacques Semelin qui l'a écrit et c'est une remarquable réussite. "
Serge Klarsfeld
Omniprésente dans l'imaginaire lié à la France des années noires, la délation contre les juifs n'avait pourtant jamais fait l'objet d'une enquête approfondie. L'ouvrage de Laurent Joly vient combler cette lacune.
Omniprésente dans l'imaginaire lié à la France des années noires, la délation contre les juifs n'avait pourtant jamais fait l'objet d'une enquête approfondie. L'ouvrage de Laurent Joly vient combler cette lacune.
Croisant approche institutionnelle et études de cas individuels, il examine tour à tour le rôle de la dénonciation dans les pratiques du commissariat général aux Questions juives, de la Gestapo, de la préfecture de Police et du journal
Au Pilori.
Ayant mis au jour les archives judiciaires concernant les quelque 240 Parisiens jugés, après la guerre, pour dénonciation de juifs sous l'Occupation, Laurent Joly interroge la figure du délateur, décrypte sa mentalité, ses mobiles, ses justifications. À partir de correspondances privées inédites, il fait également revivre le destin de victimes, telle Annette Zelman, dénoncée à la Gestapo par les parents de son fiancé non juif et déportée en juin 1942.
Tout un pan de la vie et de la persécution des juifs à Paris est ainsi ressuscité : des contextes sociaux conflictuels, des stratégies de sauvetage anéanties, des vengeances sordides se donnant libre cours jusqu'aux dernières heures de l'Occupation.
La délation contre les juifs n'est pas ce phénomène de masse que l'on imagine communément. Instrument de la politique génocidaire des nazis, elle n'en a pas moins provoqué la mort de plusieurs milliers de femmes, hommes et enfants.
Trois registres manuscrits conservés aux Archives nationales, relatent le quotidien du Roi à Versailles entre 1723 et 1785. Sur plus de 1 400 pages se déroulent 63 ans de vie officielle de la Cour enregistrée par l'administration des Menus Plaisirs sous l'angle de l'étiquette, de l'organisation pratique et de la réalité du métier de roi au jour le jour.
L'historien Stéphane Castelluccio, avec la collaboration du conservateur des Archives nationales Pierre Jugie, nous présente ce Journal de la Cour, document exceptionnel en majeure partie inédit. Du lever au coucher public du roi, de l'accouchement de la Reine aux funérailles de Louis XV, tout est noté, sans oublier les fêtes, les feux d'artifice, les cérémonies, les voyages et les présentations...
Cette édition des registres présente les extraits les plus instructifs, les plus descriptifs et les plus à même d'évoquer la mécanique ordinaire et extraordinaire de la Cour. Après une substantielle introduction, les extraits sont commentés, afin de rendre compréhensible cette source unique. Ce Journal de la Cour apparaît comme une source et une référence inépuisables pour l'histoire culturelle de Versailles et du pouvoir royal.
Phénicien, araméen, hébreu, grec, latin, étrusque, berbère, arabe, turc, espagnol, italien, français : ces langues du pourtour méditerranéen nous parlent de l'histoire de ce continent liquide. Elles sont d'abord la trace des empires et puissances qui se sont succédé en Méditerranée, mais aussi celle du commerce des hommes, des idées et des denrées, qui ont constitué cet espace en un ensemble homogène. Ce livre se fondant sur une approche sociolinguistique et géopolitique, prend donc les langues, " linguae nostrae ", comme le fil rouge de cette histoire. Car les langues et les mots ont une mémoire. Ils sont le témoin des interactions, des conquêtes, des expéditions, des circulations. Que ce soit dans les emprunts, la sémantique, les alphabets, ou la toponymie, les traces des échanges au sein de cette mare nostrum sont nombreuses. Du voyage d'Ulysse aux migrations d'aujourd'hui, en passant par les croisades et les échelles du Levant, ces langues ont façonné et habité la Méditerranée, au rythme des événements historiques qui l'ont marquée, et qui en font le laboratoire de l'humanité depuis plus de 3 000 ans.
Camicera nera des fascistes italiens ou chemises brunes des nazis, veste Mao ou béret étoilé du Che, foulard rouge des Komsomols en URSS ou bleu des Pionniers en RDA, krâma cambodgien : tous ces vêtements sont emblématiques des totalitarismes du XXe siècle. Symboles politiques, ils ont convoqué des imaginaires et véhiculé des idéologies.
L'attention souvent scrupuleuse portée par les différents régimes – fascistes ou communistes – à la codification et à l'uniformisation des apparences invite à explorer toutes les facettes de ce langage du pouvoir.
Témoin et instrument d'une volonté prométhéenne d'emprise et de contrôle, signe d'appartenance et de solidarité mais aussi de hiérarchie et de soumission, d'assujettissement et d'exclusion, le vestiaire a permis d'encadrer toutes les sphères de la vie sociale, d'exalter les valeurs et idéaux politiques, de donner à voir une communauté unie derrière son chef.
Comment les populations ont-elles vécu l'obligation de porter telle ou telle pièce d'étoffe ? Quels furent les effets réels du port de ces vêtements ? Autant de questions permettant de comprendre davantage les processus d'embrigadement et d'oppression des populations, ainsi que leurs limites.
Les incroyables découvertes paléontologiques et préhistoriques de ces derniers temps permettent de mieux comprendre l'origine africaine de l'Homme, survenue il y a 3 millions d'années, due à une simple nécessité d'adaptation à un changement climatique. Elles racontent les quelques millions d'années qui la précèdent comme ceux qui la suivent.
L'ambition de ce livre est d'éclairer cette extraordinaire période qui voit la matière vivante se faire matière pensante. On y apprend que la lignée des Préchimpanzés et celle des Préhumains se sont séparées il y a une dizaine de millions d'années, la seconde s'établissant dans un milieu moins boisé que la première. On y voit ces Préhumains se mettre debout, marcher mais grimper encore. Six genres et une douzaine d'espèces illustrent ainsi cette extraordinaire radiation qui s'épanouit de 7 à 2 millions d'années dans l'arc intertropical, du Tchad à l'Afrique du Sud en passant par l'Éthiopie, le Kenya, la Tanzanie et le Malawi. Puis ces premiers humains, longtemps inféodés à la savane d'Afrique, en sortent et c'est en Israël, en Géorgie, en Turquie, au Pakistan, en Inde, au Laos, en Indonésie, en Chine, mais aussi, de l'autre côté, en Italie, en France, en Espagne, qu'on va les retrouver et les suivre, à partir de 2 millions d'années au moins en Asie, à partir d'un généreux million d'années en Europe... Et on y voit ensuite l'Homme moderne naître à son tour en Afrique, s'y déployer et en sortir il y a 200 000 ans. Cette belle histoire est bien entendu accompagnée de multiples événements qui tous posent de nouvelles questions qui la compliquent et l'enrichissent.
Les conteurs, tous acteurs, sont Zeresenay Alemseged, Lee R. Berger, José Braga,
Michel Brunet, Ronald J. Clarke, Yves Coppens, Anne Dambricourt Malassé,
Fabrice Demeter, Robin Dennell, Yohannes Haile-Selassie, Sonia Harmand,
Israel Hershkovitz, Dirk L. Hoffmann, Jean-Jacques Hublin, Marie-Hélène Moncel,
François Sémah, Brigitte Senut et Amélie Vialet.
L'article, le graphique, la fiche, le poster, le cahier de laboratoire sont quelques-uns des nombreux outils du travail scientifique étudiésdans cet ouvrage qui offre une histoire matérielle de la culture savante entre le XVIe et le XXIe siècle. Il rend manifeste, de la médecine à l'archéologie, de la géographie à la chirurgie, ce que l'on ne voit pas ou plus dans les résultats : la masse imposante de l'outillage à disposition, sa grande diversité, son accroissement constant. S'y ajoutent les ressources des savants eux-mêmes, celles de leurs sens éduqués ou amplifiés par de multiples instruments. Les configurations fascinantes que ces outils et leur emploi créent entre écrit, image, parole, regard et geste révèlent le caractère composite, multimédia et multisensoriel, de l'ordre raisonné du savoir. Explorer la science dans sa matérialité éclaire d'un jour nouveau des pans entiers de l'histoire intellectuelle. Les outils de travail ne sont pas de simples à-côtés des idées. Ils participent étroitement à la connaissance, entre objectivité scientifique et éléments empruntés à l'expérience des sens. Un essai d'anthropologie des savoirs qui porte un regard original sur l'ordinaire de la science.
Déluge, vol du feu, origine de la sexualité, femmesoiseaux, autant de mythes que l'on retrouve, sous une forme ou sous une autre, un peu partout.
Déluge, vol du feu, origine de la sexualité, femmesoiseaux, autant de mythes que l'on retrouve, sous une forme ou sous une autre, un peu partout. Autant de mythes recueillis, annotés, comparés, commentés par des savants qui, ce faisant, ont créé une discipline en développant des concepts spécifiques – comme agresseur, donateur, héros, initiation... – afin de répondre aux questions soulevées : quelle est l'origine de ces mythes ? comment sont-ils répartis ? comment peut-on les interpréter ?
C'est autour de trois piliers, mythes, mythologues et concepts, que ce dictionnaire est conçu. Avec près de 1 400 entrées concernant les récits mythiques de plus de 1 300 peuples, il présente un tableau d'ensemble de la science mythologique d'une ampleur et d'une ambition sans égales.
Septembre¿1845. La conquête de l'Algérie paraît terminée après les cinq ans de guerre contre l'émir Abd el-Kader. L'armée française contrôle tout le pays, à l'exception du Sahara. Les immigrants européens n'ont jamais été si nombreux. À Paris, on songe à se débarrasser de l'encombrant maréchal Bugeaud, pour le remplacer par un gouverneur moins belliqueux et plus discipliné. Bugeaud lui-même annonce sa démission. C'est alors qu'Abd el-Kader, réfugié au Maroc, reprend la lutte. Il anéantit une colonne française à Sidi-Brahim, prélude à une brillante campagne, dans laquelle il démontre ses qualités de stratège. Les plateaux d'Oranie, le massif du Dahra, la plaine du Chélif s'embrasent à l'appel des confréries. La France des notables, représentée par le Premier ministre François Guizot, s'obstine et envoie des renforts. Les généraux de l'armée d'Afrique recourent à des méthodes tristement éprouvées. L'insurrection est écrasée. L'armée triomphe, mais l'avenir de la colonisation demeure encore bien incertain. Jacques Frémeaux signe le premier ouvrage de fond sur un épisode méconnu et pourtant essentiel de la " pacification " française en Algérie. Une page d'histoire passionnante qui éclaire sous un jour neuf les relations tumultueuses entre la métropole et sa colonie.
À la lueur d'une bougie, Howard Carter scrute l'intérieur de la tombe du pharaon Toutankhamon. Il cligne des yeux. Derrière lui, on s'agite, on l'interroge : " Que voyez-vous ? – Des merveilles ! " répond-il.
À la lueur d'une bougie, Howard Carter scrute l'intérieur de la tombe du pharaon Toutankhamon. Il cligne des yeux. Derrière lui, on s'agite, on l'interroge : " Que voyez-vous ? – Des merveilles ! " répond-il. La découverte sera suivie de dix années de labeur, de fouilles minutieuses. Aujourd'hui, l'archéologue garde en main la pioche et la truelle, mais il n'hésite pas à se servir du tomodensitomètre, de l'ADN, ou du scanner haute définition. Les techniques d'investigation progressent et les mystères du pharaon s'éclaircissent.
Cline nous livre une fascinante histoire de l'archéologie. Fort de plus de trente ans de chantiers de fouilles, en Grèce et au Levant, il nous entraîne dans un Grand Tour haletant à travers les âges et les continents : Pompéi, Troie, Ur, Copán... mais encore Chauvet, Göbekli Tepe, Santorin, Teotihuacán, Machu Picchu... Il nous guide aussi dans le panthéon des archéologues, à la rencontre d'un Heinrich Schliemann ou d'une Kathleen Kenyon, non sans parfois démythifier quelques figures tutélaires d'une aventure souvent collective.
Son récit, au style enlevé, donne les clés pour comprendre l'archéologie en rendant compte des avancées les plus récentes de la recherche. Il dévoile aussi à chacun les techniques aujourd'hui employées pour repérer, dater, fouiller, conserver... en une passionnante initiation.
La domination masculine est un fait quasi universel : plus de 80 % des groupes humains sont patrilinéaires et à fort pouvoir masculin. Le Néolithique, qui voit l'émergence de l'agriculture et de l'élevage, est sans doute une des périodes parmi les plus importantes pour comprendre comment et pourquoi nos sociétés sont encore aujourd'hui ainsi configurées. Examiner comment se constituent et interagissent les deux catégories sociales fondamentales que sont celles des femmes et des hommes lors du passage au statut d'agriculteurs-éleveurs sédentaires représente un enjeu majeur dans la recherche des origines des inégalités.
Les rapports de genre au Néolithique ont été encore peu explorés. Il faut néanmoins se montrer prudent, et fonder les conclusions sur ce que disent les données mobilisées. Or, le genre n'a d'existence que s'il s'accomplit, s'il est visible. Il se matérialise par des attributs, des postures et des gestes, par des habitudes, par la manière de conduire des activités. Cette matérialité bénéficie à la discipline archéologique dont le support principal est l'analyse des productions matérielles des humains sous toutes leurs formes : parures, costumes et outillages, modes alimentaires, activités de subsistance, etc.
L'une des premières cultures néolithiques européennes, le Rubané, se prête parfaitement à une telle approche : de nombreux caractères de cette société sont connus et peuvent être mobilisés pour faire ressortir les premières informations qu'il est possible d'énoncer sur les conditions des femmes au Néolithique.
Minuscule livre de poche (12 x 8 cm), le manuscrit mis en vente en 2014 par une galerie parisienne, fruste, usé, dépenaillé et à peine déchiffrable, a pourtant suscité un extraordinaire engouement international et d'intenses investigations scientifiques. Ce libricino qu'un frère itinérant, disciple de François d'Assise, glissait dans sa besace voici huit cents ans fut, en quelques mois, acquis par la Bibliothèque nationale de France, numérisé et mis en ligne sur Gallica pour être offert à l'expertise internationale.
Quelques années de recherche plus tard, les 122 petits feuillets n'ont pas livré tous leurs secrets, mais les spécialistes ici réunis, experts en physique, chimie, biologie, paléographie, codicologie, philologie, histoire ou théologie, ont opéré des avancées décisives.
Ce recueil contient non seulement une Vie inédite de saint François (1181-1226) rédigée dans les années 1230, mais aussi divers sermons connus ou inédits d'Antoine de Padoue, un commentaire au Pater noster où vibre peut-être la ferveur du Poverello en personne, des extraits, des florilèges ou la copie d'œuvres entières comme les étranges Révélations du pseudo-Méthode. Trésor historique inestimable, il est aussi un " objet total " qu'il faut observer, sonder, explorer, pour extraire toutes les informations que recèlent ses matériaux, sa fabrication, son usage. Cet attachant recueil constitue un témoignage exceptionnel des préoccupations et de la sensibilité d'un petit groupe de Frères mineurs, au lendemain de la disparition de leur fondateur.
Les experts réunis offrent ici les premiers résultats scientifiques de leurs études. Peut-être le plus important de leurs acquis est-il le dépassement du clivage entre sciences dures et sciences humaines au service d'une recherche faite de rigueur et d'inventivité.
Deux tours monumentales, une majestueuse galerie des rois, des voûtes aériennes portées par une structure d'une légèreté inédite : Notre-Dame, monument-clé de l'histoire de France, est aussi un parangon de l'art gothique. Une cathédrale dont le terrible incendie du 15 avril 2019 a ému la terre entière.
Pour saisir sa profonde singularité, Dany Sandron, familier du monument depuis plus de vingt ans, nous livre les clefs des premiers siècles de cet édifice. Dans cette passionnante synthèse, il nous en offre une étude globale, à la fois historique, artistique et sociale. Revenant sur sa construction, ses acteurs, notamment les artistes et artisans, et les ressources mobilisées, il nous introduit dans les différents mondes qu'elle domine : le palais épiscopal de Maurice de Sully, le cloître des chanoines et l'hôtel-Dieu. Il souligne aussi, en spécialiste du Paris médiéval, les liens étroits de la cathédrale avec la ville et au-delà avec le diocèse dont elle est l'église-mère. Notre-Dame entretient également des relations privilégiées avec la royauté capétienne qu'elle magnifie dans une savante mise en scène. Elle sert enfin de référence majeure à l'action édilitaire des souverains et de leurs alliés jusqu'au début du règne de Saint Louis.
Dans ce réseau complexe qui associe la cathédrale à tous les niveaux de la société médiévale, c'est l'esprit de Notre-Dame qui nous est révélé.
De l'an mil à 1789, la noblesse fut en France une qualité transmise par le sang, dans le cadre, prépondérant sinon exclusif, du mariage chrétien. Spécifiquement, son histoire visait à s'inscrire sous le signe de la reproduction sociale. De 1300 à 1500, le fort sentiment d'identité de ses membres se trouva encore renforcé par l'intervention des hérauts d'armes. Quoique très minoritaires, les nobles persistèrent alors à jouer un rôle central, malgré les crises auxquelles ils furent confrontés et les contestations dont ils furent l'objet.
Les études ici réunies traitent de ce vaste sujet, l'accent étant mis sur le château, vu de l'intérieur et de l'extérieur, la seigneurie comme source de pouvoir et de revenus et les chevaux " de nom ". Parmi les activités propres à ce milieu – telle la chasse avec chiens ou oiseaux et plus encore les armes –, les joutes et les tournois, ce sport aristocratique pratiqué dans le cadre de la vie de cour, ne sont pas oubliés.
Certes, juridiquement et idéologiquement, on est en présence d'une société d'ordres, ce qui aurait dû conduire à un immobilisme structurel. Mais la réalité est plus complexe, comme le montre, au sein des " bonnes villes ", la place des nobles face aux notables. La noblesse ? Une " élite " parmi d'autres, qui, de facto sinon de jure, se renouvelait régulièrement. Ici comme ailleurs, la vie l'emportait sur les principes.
Un combattant à l'Élysée
Député à vingt-cinq ans, premier socialiste à recevoir un portefeuille ministériel, ministre de la Guerre en 1914, représentant du Gouvernement dans l'Alsace redevenue française, président du Conseil puis président de la République en 1920, Alexandre Millerand a mené sa carrière politique à la vitesse " d'un boulet de canon ", selon l'expression de son camarade Viviani.
Pourtant, malgré une œuvre incontestable de pionnier, il est aujourd'hui le grand oublié du roman national, à la différence de ses amis, Clemenceau, Poincaré, Briand ou Jaurès. L'engagement de celui qui s'illustra comme un des premiers adversaires de Boulanger et un défenseur de Dreyfus a été mal compris. Dépassé à gauche alors qu'il défend l'idéal républicain et un socialisme du gouvernement, il l'est aussi à droite, son patriotisme ayant été largement utilisé et manipulé par l'extrême droite. Son idéal de gouvernement au centre est rejeté par les partis politiques, qui le chassent brutalement du pouvoir en 1924, le précipitant dans une retraite volontaire de vingt années.
Grâce à l'exploitation d'archives inédites, Jean-Philippe Dumas retrace le parcours de cet homme politique tout entier d'exigence et de refus du compromis. À travers le regard toujours vif de celui-ci, il relit l'histoire de la Troisième République, mais surtout fait revivre une pensée essentielle sur la France, la République et la nation.
À l'heure où les thèmes mis en avant par Millerand, la laïcité, le patriotisme, la modernisation des institutions, mais aussi le paritarisme, sont au cœur des débats qui passionnent la société française, il est plus que jamais nécessaire de faire appel à l'expérience d'un homme qui a conduit le pays aux moments les plus dramatiques de son histoire.
Que buvait-on en Gaule ? Du vin, bien sûr, et les Gaulois de l'âge du Fer ont souvent été qualifiés par les auteurs anciens de buveurs de vin invétérés, célèbres pour leur ivrognerie. Vin importé d'abord, localement produit ensuite, exporté enfin, les Gaulois devenant, sous l'Empire, d'excellents viticulteurs. Mais, de plus longue date, on y buvait d'abord de l'hydromel et plus encore de la bière, véritable boisson nationale de nos ancêtres. Comment ces boissons alcoolisées se sont-elles développées en Gaule ? Quelles étaient les habitudes de consommation et les pratiques quotidiennes, mais aussi les rituels dans lesquels elles étaient impliquées ? Qui buvait quoi, comment et pourquoi ? Fanette Laubenheimer répond à ces questions en s'appuyant sur les textes antiques et sur de nombreux vestiges archéologiques, en Gaule et au-delà, ainsi que sur les résultats des analyses les plus novatrices destinées à identifier les traces des boissons contenues dans les vases.
Le Matin des magiciens de Pauwels et Bergié (1960) a fait naître l'idée qu'une société secrète aux pouvoirs étendus, la " société Thulé ", aurait été le centre caché et ignoré du nazisme. L'influence de ce groupuscule bien réel n'est pourtant qu'un fantasme, un mythe.
Stéphane François, historien spécialiste du néonazisme, revient sur cette construction spéculative, ses origines, son bricolage idéologique et les pratiques qui ont réussi à former une sorte de contre-culture radicale et sulfureuse, associant ésotérisme et fascination pour le nazisme et la SS. Pour mieux la comprendre, il dresse également le portrait quelques-uns des auteurs qui ont contribué à son succès, tels l'ésotériste italien Julius Evola, le méconnu Jacques-Marie de Mahieu, un néonazi chilien ou l'écrivain Jean-Paul Bourre.
L'occultisme nazi dévoilé.
Préface de Johann Chapoutot
La question des origines s'est toujours posée à l'humanité. Longtemps, ce passé nébuleux a fait l'objet de constructions plus proches des mythes et légendes que d'une quelconque histoire de l'homme. C'est au xixe siècle que le mot " préhistoire " est entré dans le langage courant. Pour autant, les horizons qu'il évoque ne sont pas les mêmes selon qu'on est adulte ou enfant, spécialiste ou néophyte. Des désirs différents y résonnent. Ils contribuent à donner toute sa richesse et sa complexité à l'idée de préhistoire aujourd'hui.
La préhistoire des préhistoriens est très concrète, forgée à partir d'indices matériels qu'ils réunissent à la manière de détectives. Malgré l'absence de documents écrits, cette très longue durée est mieux comprise grâce aux techniques fines de fouille, aux progrès des datations et de l'analyse des vestiges. Anthropologues, philosophes, psychanalystes et historiens portent sur la préhistoire un œil plus distancié. Artistes et écrivains y voient un monde perdu, un âge d'or, à moins qu'elle ne soit pour eux le miroir déformant de notre propre société. Autant de visions qui se nourrissent mutuellement.
Ont collaboré à cet ouvrage préhistoriens, historiens, philosophes, anthropologues, psychanalystes, spécialistes d'histoire de l'art et de littérature, mais aussi des médiateurs, des artistes et des écrivains comme Renaud Ego, Maylis de Kerangal, Zad Moultaka et Jean-Loup Trassard, qui ont accepté de raconter leur rencontre avec la préhistoire.
La fascination publique pour César semble éternelle. Personnalité hors norme, faiseur de mondes, il a suscité une littérature immense souvent bien éloignée de la réalité du personnage. L'historien Yann Le Bohec, grand spécialiste de l'armée romaine, réunit et met à jour ici ses recherches sur le fameux chef de guerre.
Ni biographie, ni étude globale, ce livre s'attache à la seule facette militaire du pontifex maximus. S'appuyant sur une immense connaissance des textes anciens, l'auteur met à profit les études et les fouilles des sites les plus récentes, afin d'affiner la chronologie et de mieux connaître les parties en présence, leurs forces matérielles et morales.
Yann Le Bohec nous offre ainsi des mises au point magistrales sur la manière dont César a conduit ses troupes, avec une force psychologique rare et le soutien des dieux et du droit. Suivant d'abord la chronologie, il explore ensuite certains aspects primordiaux de la guerre : la poliorcétique, le rôle des esclaves, la guérilla... sans oublier, bien sûr, Vercingétorix et Alésia. Il apporte enfin des éléments pour contribuer à l'histoire militaire de la guerre civile, qui opposa César à Pompée.
Un livre pour redécouvrir César, stratège et meneurs d'hommes.