Les Étrusques, un peuple d'Italie disparu au Ier siècle av. J.-C. dans sa confrontation avec Rome, restent pour une grande part mal connus. Leur mode de vie comme leur système politique suscitent des interrogations et on comprend toujours mal leur langue, même s'ils ont adopté l'alphabet grec. Pourtant, les vestiges archéologiques abondent dans toute l'Italie centrale. On est toujours émerveillé par les célèbres fresques des tombes de Tarquinia qui mettent en scène leur vie quotidienne et semblent donner aux femmes un statut qui leur était refusé dans les autres cultures de l'Antiquité : le visiteur fait face à des Étrusques banquetant, jouant, dansant, dans une impression d'harmonie.
L'originalité de ce livre est d'explorer parallèlement l'histoire des Étrusques et l'histoire des tentatives faites au fil des siècles pour les comprendre, voire pour fabriquer des mythes... et des légendes. C'est une incroyable histoire de pillages, de mensonges, de falsifications, de simplifications outrancières que l'autrice restitue pour comprendre la fascination exercée par ce peuple qui a profondément influencé les Romains. En parcourant les sites les plus célèbres de l'histoire étrusque, Marie-Laurence Haack rend justice à l'extraordinaire singularité de ce peuple.
Antonio Gramsci (1891-1937) reste l'un des penseurs majeurs du marxisme, et l'un des plus convoqués.
L'OEuvre-vie aborde les différentes phases de son action et de sa pensée - des années de formation à Turin jusqu'à sa mort à Rome, en passant par ses activités de militant communiste et ses années d'incarcération - en restituant leurs liens avec les grands événements de son temps : la révolution russe, les prises de position de l'Internationale communiste, la montée au pouvoir du fascisme en Italie, la situation européenne et mondiale de l'entre-deux-guerres. Grâce aux apports de la recherche italienne la plus actuelle, cette démarche historique s'ancre dans une lecture précise des textes - pour partie inédits en France -, qui permet de saisir le sens profond de ses écrits et toute l'originalité de son approche.
Analysant en détail la correspondance, les articles militants, puis les
Cahiers de prison du révolutionnaire, cette biographie intellectuelle rend ainsi compte du processus d'élaboration de sa réflexion politique et philosophique, en soulignant les
leitmotive et en restituant " le rythme de la pensée en développement ".
Au fil de l'écriture des
Cahiers, Gramsci comprend que la " philosophie de la praxis " a besoin d'outils conceptuels nouveaux, et les invente : " hégémonie ", " guerre de position ", " révolution passive ", " subalternes ", etc. Autant de concepts qui demeurent utiles pour penser notre propre " monde grand et terrible ".
Le 1er avril 1935, dans une salle bondée d'un austère bâtiment administratif de la ville de Pittsburgh, débute un étonnant procès qui fait la couverture des journaux pendant plusieurs mois. Âgé de quatre-vingts ans, Andrew W. Mellon, richissime banquier et ministre des Finances pendant toutes les années 1920, est accusé par l'administration du président Roosevelt d'avoir fraudé le fisc en détournant à son profit les lois qu'il avait lui-même contribué à instaurer. Si une résolution du contentieux aurait été possible dans la discrétion des bureaux de Washington, au lendemain de la crise de 1929 et en plein New Deal, il a été décidé d'aller au bout de la procédure et d'exposer les malversations fiscales de l'un des hommes les plus puissants du monde.
Au fil du procès, le capitalisme états-unien se déploie, révélant les conditions d'enrichissement de quelques-uns au détriment du plus grand nombre. À l'opposé des discours d'autocélébration des grands financiers et capitaines d'industrie, ceux-ci doivent leur fortune beaucoup plus à des lois qu'à leur génie ou leur flair des affaires. Ces débats, contradictoires et passionnés, fascinent la population car ils ébranlent le contrat social républicain.
À la manière d'un thriller juridico-financier, Romain Huret retrace cette histoire oubliée qui a conduit des millions d'Américains à interroger le rôle de l'État, la responsabilité sociale des élites et la perpétuation des inégalités. Sa résonance avec la situation contemporaine donne à comprendre la manière dont le capitalisme met à l'épreuve les principes mêmes de la démocratie.
Dans cet ouvrage, Michèle Riot-Sarcey fait revivre les idées de liberté issues des expériences ouvrières autant que des révo-utions sociales du XIXe siècle français. Des idées largement oubliées depuis : minoritaires et utopiques, incomprises à leur époque, elles ont été maltraitées par l'histoire devenue canonique. Leur actualité s'impose pourtant aujourd'hui, à l'heure où l'idée de liberté individuelle a été dissociée de la liberté collective et réduite au libéralisme et à l'individualisme. Ce passé inaccompli est ici revisité à partir de ses traces multiples : publications politiques, archives, romans, poésie, tableaux, etc. L'auteure restitue l'étonnant parcours de vie de femmes et d'hommes du peuple si nombreux à s'engager dans les chemins de la révolte, révélant les modalités méconnues de l'effacement de cette histoire.
Cette fresque audacieuse, remarquablement documentée, démontre la pertinence de la pensée de Walter Benjamin sur la nécessité de " faire exploser les continuités historiques ". Et elle invite à comprendre autrement les symboles aujourd'hui en ruines du XIXe siècle français : philosophie du progrès, contrôle de l'ordre social, " mission civilisatrice " de la république coloniale... Largement salué par la critique, cet essai de référence a reçu le Prix Pétrarque de l'essai France Culture/
Le Monde 2016.
De 1954 à 1962, plus d'un million et demi de jeunes Français sont partis faire leur service militaire en Algérie. Mais ils ont été plongés dans une guerre qui ne disait pas son nom. Depuis lors, les anciens d'Algérie sont réputés n'avoir pas parlé de leur expérience au sein de leur famille. Le silence continuerait à hanter ces hommes et leurs proches. En historienne, Raphaëlle Branche a voulu mettre cette vision à l'épreuve des décennies écoulées depuis le conflit.
Fondé sur une vaste collecte de témoignages et sur des sources inédites, ce livre remonte d'abord à la guerre elle-même : ces jeunes ont-ils pu dire à leurs familles ce qu'ils vivaient en Algérie ? Ce qui s'est noué alors, montre Raphaëlle Branche, conditionne largement ce qui sera transmis plus tard. Et son enquête pointe l'importance des bouleversements qu'a connus la société française sur ce qui pouvait être dit, entendu et demandé à propos de la guerre d'Algérie.
Grâce à cette enquête, c'est plus largement la place de cette guerre dans la société française qui se trouve éclairée : si des silences sont avérés, leurs causes sont moins personnelles que familiales, sociales et, ultimement, liées aux contextes historiques des dernières décennies. Avec le temps, elles se sont modifiées et de nouveaux récits sont devenus possibles.
Le 26 mai 1828, Kaspar Hauser fit son apparition sur une place de Nuremberg. Ce jeune homme, qui semblait avoir 16 ou 17 ans, savait à peine marcher et n'avait pas cinquante mots en bouche. La rumeur enflant, il devint bientôt l'" orphelin de l'Europe " et demeure l'un des plus célèbres " enfants sauvages ".
Arraché au berceau, séquestré quinze années durant dans une cave obscure, coupé de la nature comme des autres humains, Hauser était vierge de toute socialisation. Rien ne le reliait à son temps et à son groupe, pas davantage à sa génération et à son sexe. Habitant un corps étrange, il était doté d'une sensorialité inouïe et d'une intense vie émotionnelle. Et ce jusqu'à ce qu'il vienne au monde
une seconde fois et apprenne douloureusement les moeurs et usages de son temps.
Sans délaisser le mystère de ses origines et l'énigme de son assassinat, ce livre révèle, derrière cette vie minuscule, sans équivalent connu, un
cas majuscule saisi à la croisée des sciences sociales et des disciplines de la psyché. Éclairant nos façons d'arraisonner le monde, l'examen approfondi de cette trajectoire aberrante dévoile ainsi, en contrepoint, jusqu'à quelles secrètes profondeurs le social-historique s'inscrit d'ordinaire en chacun de nous.
Parmi les nombreuses hypothèses proposées pour expliquer l'" art des cavernes ", beaucoup ont été définitivement réfutées ; d'autres ne sont pas totalement à rejeter, même si elles ne sauraient tenir lieu d'élucidation globale. Face à ces impasses, d'aucuns considèrent qu'il est plus sage de cesser de chercher. Le pari de ce livre est plutôt de chercher ailleurs et autrement.
À partir de la plus riche base de données élaborée à ce jour, recensant 452 cavités dont l'ornementation est attribuable au Paléolithique, et à l'issue d'un examen serré des analyses qui se sont succédé depuis plus d'un siècle, Jean-Loïc Le Quellec développe ici une approche entièrement nouvelle en posant la question suivante : pourquoi pénétrer dans des grottes obscures, souvent difficiles d'accès et même dangereuses, pour y réaliser des oeuvres dont la fraction la plus réaliste s'attache à représenter un très petit nombre d'espèces animales et, beaucoup moins fréquemment, des humains animalisés ou figurés de façon partielle ? Autrement dit : quelle conception de la grotte prédominait au Paléolithique, qui conduisit à y laisser de telles images ?
Parcourant des voies peu empruntées par les préhistoriens et utilisant des méthodes ignorées des " pariétalistes ", l'auteur démontre qu'un grand mythe de création nourrissait l'ontologie des artistes paléolithiques : celui de l'Émergence primordiale, qui s'est répandu sur tout le globe à mesure que les Sapiens découvraient de nouveaux territoires hors d'Afrique. Un jour, dit ce mythe, des êtres chthoniens se redressèrent pour sortir de la grotte originelle, et cet acte fut rappelé et renouvelé, pendant quelques dizaines de milliers d'années, par des images rituellement tracées en d'innombrables cavernes... comme elles continuent de l'être aujourd'hui en bien des lieux du monde.
Comment Rome est-elle passée d'un million d'habitants à 20 000 ? Que s'est-il passé quand 350 000 habitants sur 500 000 sont morts de la peste à Constantinople ?
On ne peut plus faire l'histoire de la chute de Rome comme si l'environnement (climats, germes) était resté stable, comme si l'histoire ne se faisait qu'entre humains. L'Empire tardif a été le moment d'un changement décisif : la fin de l'Optimum climatique, qui a favorisé l'évolution des germes, comme
Yersinia pestis, le bacille de la peste.
Mais les Romains ont aussi été complices de la nouvelle écologie des maladies qui a assuré leur perte. Les bains publics étaient des bouillons de culture ; les égouts stagnaient sous les villes ; les greniers à blé étaient une bénédiction pour les rats qui transportaient les puces porteuses du bacille ; les routes qui reliaient tout l'Empire ont été à l'origine des épidémies de la mer Caspienne au mur d'Hadrien. Le temps des pandémies était arrivé.
Fin août 1572. À Paris, des notaires dressent des inventaires après décès, enregistrent des actes, règlent des héritages. Avec minutie, ils transcrivent l'ordinaire des vies au milieu d'une colossale hécatombe. Mais ils livrent aussi des noms, des adresses, des liens.
Puisant dans ces archives notariales, Jérémie Foa tisse une micro-histoire de la Saint-Barthélemy soucieuse de nommer les anonymes, les obscurs jetés au fleuve ou mêlés à la fosse, à jamais engloutis. Pour élucider des crimes dont on ignorait jusqu'à l'existence, il abandonne les palais pour les pavés, exhumant les indices d'un massacre de proximité, commis par des voisins sur leurs voisins. Car à descendre dans la rue, on croise ceux qui ont du sang sur les mains, on observe le savoir-faire de la poignée d'hommes responsables de la plupart des meurtres. Sans avoir été prémédité, le massacre était préparé de longue date - les assassins n'ont pas surgi tout armés dans la folie d'un soir d'été.
Au fil de vingt-cinq enquêtes haletantes, l'historien retrouve les victimes et les tueurs, simples passants ou ardents massacreurs, dans leur humaine trivialité : épingliers, menuisiers, rôtisseurs de la Vallée de Misère, tanneurs d'Aubusson et taverniers de Maubert,
vies minuscules emportées par l'événement.
En Algérie, l'année 1962 est à la fois la fin d'une guerre et la difficile transition vers la paix. Mettant fin à une longue colonisation française marquée par une combinaison rare de violence et d'acculturation, elle voit l'émergence d'un État algérien d'abord soucieux d'assurer sa propre stabilité et la survie de sa population. Si, dans les pays du Sud, cette date est devenue le symbole de l'ensemble des indépendances des peuples colonisés, en France, 1962 est connue surtout par les expériences des pieds-noirs et des harkis. En Algérie, l'historiographie de l'année 1962 se réduit pour l'essentiel à la crise politique du FLN et aux luttes fratricides qui l'ont accompagnée. Mais on connaît encore très mal l'expérience des habitants du pays qui y restent alors.
D'où l'importance de ce livre, qui entend restituer la façon dont la période a été vécue par cette majorité. L'année 1962 est scandée par trois moments : cessez-le-feu d'Évian du 19 mars, Indépendance de juillet, proclamation de la République algérienne le 25 septembre. L'histoire politique qu'ils dessinent cache des expériences vécues, que restitue finement Malika Rahal au fil d'une enquête mobilisant témoignages, autobiographies, photographies et films, chansons et poèmes. Émerge ainsi une histoire populaire largement absente des approches classiques : en faisant place au désespoir des Français d'Algérie dont le monde s'effondre - désarroi qui nourrit la violence de l'OAS -, elle relate le retour de 300 000 réfugiés algériens de Tunisie et du Maroc, la libération des camps de concentration où était détenu un quart de la population colonisée, ou la libération des prisons, ainsi que les spectaculaires festivités populaires. L'ouvrage décrit des expériences collectives fondatrices pour le pays qui naît à l'Indépendance : la démobilisation et la reconversion de l'Armée de libération nationale, la recherche des morts et disparus par leurs proches, l'occupation des logements et terres laissés par ceux qui ont fui le pays. Une fresque sans équivalent, de bout en bout passionnante.
Les techniques issues de la tradition militaire de " contre-insurrection " et d'action psychologique sont aujourd'hui largement banalisées, y compris dans le management d'entreprise, dans nombre de polices du monde, voire dans des groupes mafieux. Mais on ignore souvent ce qu'elles doivent à la doctrine française de la " guerre révolutionnaire " (DGR). D'où l'intérêt de cet ouvrage, qui retrace son histoire méconnue.
Sa genèse remonte aux armées coloniales du XIXe siècle - principalement française et britannique - qui ont constitué un savoir-faire répressif permettant l'émergence de la DGR au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Elle a été formalisée par des officiers français engagés dans la guerre d'Indochine, devenant hégémonique dans l'état-major durant celle d'Algérie. Elle se veut une réponse au mouvement de décolonisation, conçue comme une " guerre totale " impliquant l'ensemble de la société. Et elle vise son contrôle intégral par la propagande et la manipulation, la " conquête des coeurs et des esprits ". Mais aussi par la terreur, associée à la séduction propagandiste : torture, exécutions extrajudiciaires, disparitions forcées, déplacements de populations... Malgré ses nombreux fiascos, on verra comment la DGR a essaimé depuis les colonies françaises vers bien d'autres terrains, de la guerre du Vietnam à celles d'Irak et d'Afghanistan, de l'Argentine des années 1970 à l'Afrique des années 1980 ou l'Algérie des années 1990. Et comment ses principes se retrouvent aujourd'hui au coeur des techniques violentes de maintien de l'ordre comme des outils de manipulation de l'information.
Un réchauffement climatique suivi de sécheresse et de famines, des séismes, des guerres civiles, de gigantesques mouvements de populations fuyant leurs terres d'origine, des risques systémiques pour les échanges internationaux... Nous ne sommes pas au XXIe siècle, mais bien au XIIe siècle avant J.-C. ! Toutes les civilisations de Méditerranée grecque et orientale (de la Crète à l'Égypte, de Canaan à Babylone, etc.) se sont effondrées presque simultanément, il y a plus de trois mille ans. Comment expliquer pareille catastrophe ?
Le grand archéologue américain Eric H. Cline mène l'enquête et nous raconte la fin de l'âge du bronze sous la forme d'un drame en quatre actes. Il fait revivre sous nos yeux ces sociétés connectées qui possédaient une langue commune, échangeaient des biens (grains, or, étain et cuivre, etc.), alors que les artistes circulaient d'un royaume à l'autre. Les archives découvertes témoignent de mariages royaux, d'alliances, de guerres et d'embargos. Une " mondialisation " avant l'heure, confrontée notamment à des aléas climatiques qui pourraient avoir causé sa perte...
L'histoire littéraire s'est construite sur un mensonge : elle a largement occulté sa part populaire et la conquête du grand public par l'édition, fruit d'une dynamique qui la place au coeur des industries culturelles. C'est cet autre visage de la littérature que ce livre donne à voir. Puisant dans des archives inédites, il retrace l'histoire chorale de celles et ceux qui, autour des Presses de la Cité et du Fleuve Noir, ont façonné à partir des années 1950 les genres majeurs de l'imaginaire contemporain : espionnage, policier, science-fiction, érotisme...
Par-delà les romanciers les plus fameux (Simenon, Frédéric Dard), les professionnels de cette édition populaire ont contribué à forger une nouvelle culture médiatique, dans un contexte de circulation internationale des fictions et de transformation du travail des auteurs. Loin de se résumer à une invasion des modèles américains, la culture de masse " à la française " s'en approprie les conventions au temps de la guerre froide et de la décolonisation ; et dans ces romans tirés à plus de 100 000 exemplaires s'inventent aussi les nouveaux codes de la masculinité et de la consommation des " Trente Glorieuses ". Le livre raconte les stratégies industrielles à l'oeuvre jusqu'à la chute d'un système médiatique au tournant des années 1990, quand les recompositions éditoriales font émerger les nouveaux empires de la communication. Il permet de comprendre l'horizon médiatique des générations d'après-guerre, qui ne se cantonne pas au monde du livre : les histoires imaginées par les auteurs populaires ont essaimé au cinéma, à la télévision, à la radio... Une enquête sans équivalent sur les origines du formidable " boom " de la pop culture, matrice de la culture populaire contemporaine.
Ce livre, vendu à plus de 65 000 exemplaires depuis sa réédition en 1967 dans la " Petite collection Maspero ", reste un grand classique. Son auteur, acteur et témoin de la Commune de Paris, se mit au travail au lendemain de la défaite et ce travail dura vingt-cinq ans. Il a enquêté avec acharnement auprès de tous les survivants, dans l'exil à Londres, en Suisse, puis consulté tous les documents disponibles à l'époque.Le résultat est cette " somme ", qui n'est pas seulement un récit historique événementiel, de l'insurrection à la répression : elle est un tableau de tous les courants de la pensée sociale, de tous les affrontements internes, un bilan des réalisations ou des tentatives, " mesures éparses, tôt dispersées au vent de la lutte et des divergences, mesures significatives pourtant ", qui caractérisent, pour Jean Maitron, cette Commune qui fut " un trait d'union plutôt qu'une coupure dans l'histoire du mouvement ouvrier français "." La dernière barricade des journées de Mai, écrit Lissagaray, est rue Ramponneau. Pendant un quart d'heure, un seul fédéré la défend. Trois fois il casse la hampe du drapeau versaillais. Pour prix de son courage, le dernier soldat de la Commune réussit à s'échapper. " La légende veut que ce dernier combattant anonyme ne fut autre que Lissagaray lui-même : tant il est vrai que chez lui la modestie de l'historien va toujours de pair avec la ténacité et l'intransigeance du militant.
Après avoir raconté l'émergence et les évolutions récentes de l'archéologie de la Seconde Guerre mondiale, discipline scientifique qui met ses chercheurs et ses méthodes au service d'une histoire interdisciplinaire, Vincent Carpentier présente, dans une synthèse inédite, les grandes catégories de vestiges conservés ou mis au jour sur les théâtres de ce conflit majeur.
En premier lieu, il aborde les ouvrages défensifs ou logistiques - lignes fortifiées de l'Atlantique au Pacifique, aérodromes, bases de missiles, de U-Boote, abris, etc. -, dans lesquels le béton et l'acier occupent une place de choix. Puis il s'intéresse aux vestiges polymorphes des champs de bataille proprement dits, depuis les grains de sable d'Omaha Beach jusqu'aux épaves sous-marines, en passant par les théâtres d'affrontements ou le relèvement de corps de soldats. Enfin, il évoque les témoins matériels de la violence de masse, emblématique de cette guerre totale, à travers l'archéologie des destructions et les recherches dédiées aux camps d'internement, aux crimes de masse et à la Shoah.
Au fil de ce tour d'horizon international des traces matérielles de la Seconde Guerre mondiale et des réflexions qu'elles suscitent, Vincent Carpentier interroge les enjeux mémoriels ou idéologiques qui s'y rapportent, et souligne leur résonance avec une actualité marquée tant par les héritages géopolitiques du dernier grand conflit du XXe siècle que par la guerre qui fait rage aujourd'hui en Ukraine.
La drogue est la continuation de la politique par d'autres moyens : telle est sans doute l'une des leçons les plus méconnues du IIIe Reich... Découverte au milieu des années 1930 et commercialisée sous le nom de pervitine, la méthamphétamine s'est bientôt imposée à toute la société allemande. Des étudiants aux ouvriers, des intellectuels aux dirigeants politiques et aux femmes au foyer, les petites pilules ont rapidement fait partie du quotidien, pour le plus grand bénéfice du régime : tout allait plus vite, on travaillait mieux, l'enthousiasme était de retour, un nouvel élan s'emparait de l'Allemagne.
Quand la guerre a éclaté, trente-cinq millions de doses de pervitine ont été commandées pour la Wehrmacht : le
Blitzkrieg fut littéralement une guerre du " speed ". Mais si la drogue peut expliquer les premières victoires allemandes, elle a aussi accompagné les désastres militaires. La témérité de Rommel, l'aveuglement d'un Gring morphinomane et surtout l'entêtement de l'état-major sur le front de l'Est ont des causes moins idéologiques que chimiques.
Se fondant sur des documents inédits, Norman Ohler explore cette intoxication aux conséquences mondiales. Il met notamment en lumière la relation de dépendance réciproque qui a lié le Dr Morell à son fameux " Patient A ", Adolf Hitler, qu'il a artificiellement maintenu dans ses rêves de grandeur par des injections quotidiennes de stéroïdes, d'opiacés et de cocaïne. Au-delà de cette histoire, c'est toute celle du IIIe Reich que Ohler invite à relire à la lumière de ses découvertes.
Une somme unique et accessible : 5 000 ans d'histoire, toutes régions et cultures confondues. Une référence pour quiconque s'intéresse à l'évolution des langues et des peuples.
Comment raconter l'histoire des langues, d'avant la naissance de l'écriture jusqu'à nos jours ? Comment rendre compte de ce fait social, qui joue un rôle majeur dans le destin de tous les peuples ? Comment saisir les langues, aux frontières poreuses, dans leur mouvement perpétuel et leur inventivité, elles qui se heurtent, cohabitent, s'influencent, s'éteignent ou se recréent ?
Compte tenu du grand nombre de langues - environ 6 000 aujourd'hui -, l'ouvrage se concentre sur celles dont il est possible de raconter l'histoire.
Un récit en trois temps : celui d'avant l'écriture, le plus souvent mystérieux ; celui des traditions orales et de l'écriture pratiquée par des élites ; celui, enfin, de la large diffusion des textes imprimés. Des phases qui, selon les régions, s'enchaînent à des périodes différentes.
Composé de modules - une région, une époque -, le livre ménage différents parcours. Le lecteur suit le fil d'Ariane, du début à la fin, ou " entre " par un sujet qui l'intéresse, puis circule au gré de ses curiosités. Un voyage dans le temps et l'espace qui invite, sans négliger les classiques (l'hébreu, le grec, le latin, le sanskrit, etc.), à partir à la rencontre du javanais, du persan, du breton, du yiddish, du swahili, du quechua... ou des pidgins mélanésiens.
Salué dès sa parution en 1965 comme un événement majeur, ce recueil de textes de Jean-Pierre Vernant a été régulièrement réimprimé et traduit en plusieurs langues. Vite devenu un classique, cet ouvrage, enrichi de nouveaux textes, montre à l'oeuvre l'originale méthode de l'auteur." Nos études, précise-t-il dans la préface à l'édition de 1985, ont pour matière les documents sur lesquels travaillent les spécialistes, hellénistes et historiens de l'Antiquité. Notre perspective, cependant, est autre. Qu'il s'agisse de faits religieux (mythes, rituels, représentations figurées), de philosophie, de science, d'art, d'institutions sociales, de faits techniques et économiques, toujours nous les considérons en tant qu'oeuvres créées par des hommes, comme expression d'une activité mentale organisée. À travers ces oeuvres, nous recherchons ce qu'a été l'homme lui-même, cet homme grec ancien qu'on ne peut séparer du cadre social et culturel dont il est à la fois le créateur et le produit. "
Depuis l'Iliade jusqu'à Pompée en passant par Alexandre le Grand, les mythiques Amazones ont toujours fasciné les Grecs, puis les Romains : des guerrières qui rivalisaient avec les héros grecs par leur courage et leurs prouesses militaires, mais qui ressemblaient aussi aux Barbares - la légende dit qu'elles se coupaient le sein gauche pour tirer à l'arc et qu'elles se débarrassaient de leurs enfants mâles.
Les Amazones sont-elles un mythe, un fantasme terrifiant inventé par les Grecs et les Romains ? Que peuvent-elles nous apprendre sur la réalité des civilisations avec lesquelles les Grecs étaient en contact ?
Adrienne Mayor montre que les Amazones trouvent leur origine dans la réalité historique et met à bas le préjugé selon lequel il n'y aurait jamais eu de femmes guerrières. Les découvertes archéologiques faites dans ces immenses étendues où nomadisaient les Scythes - et donc les Amazones décrites par Hérodote - ont permis d'identifier les restes de guerrières mortes au combat.
Il n'y a jamais eu de guerrières se mutilant la poitrine ou tuant leurs fils, mais il y a eu des tribus scythes où les femmes combattaient à l'égal des hommes. Adrienne Mayor se lance à leur poursuite et nous invite à un fabuleux voyage historique jusqu'aux confins de la Chine.
De 800 à 1100, les Vikings, venus du Nord, sèment la terreur dans de nombreuses villes européennes. Ils pillent, s'emparent des trésors des églises et des monastères, enlèvent des habitants qu'ils rançonnent ou vendent comme esclaves.
Mais on ignore souvent que ces marchands exceptionnels ont ouvert de nouvelles voies commerciales entre le Nord, Bagdad et Byzance. Ils se sont installés en Russie, dans les îles Britanniques, en Irlande, en Islande et au Groenland. Ils ont développé une poésie raffinée, vantant les prouesses des guerriers et les aventures des dieux. Les Vikings ne constituaient pourtant pas un peuple. Il n'était pas nécessaire qu'un sang scandinave coulât dans les veines du guerrier pour qu'il soit reconnu comme Viking.
L'auteur utilise les plus récentes découvertes archéologiques et les récits des ambassadeurs arabes pour raconter le quotidien des paysans comme des seigneurs de guerre - un monde où règnent magie et fantômes. Loin des barbares sanguinaires souvent décrits, les Vikings ont ainsi été des acteurs économiques de premier plan de la nouvelle Europe, avant de disparaître avec l'évangélisation de la Scandinavie et la création des royaumes de Norvège, de Suède et du Danemark.
Nous avons changé d'époque : l'inéluctabilité du bouleversement global du climat s'est désormais imposée. Pollution, empoisonnement par les pesticides, épuisement des ressources, baisse des nappes phréatiques, inégalités sociales croissantes ne peuvent plus être envisagés de manière isolée. Le réchauffement climatique a des effets en cascade sur les êtres vivants, les océans, l'atmosphère, les sols. Ce n'est pas un " mauvais moment à passer " avant que tout ne redevienne " normal ". Mais nos dirigeants sont incapables de prendre acte de la situation. Guerre économique oblige, notre mode de croissance, irresponsable, voire criminel, doit être maintenu coûte que coûte. Ce n'est pas pour rien que la catastrophe de La Nouvelle-Orléans a frappé les esprits : la réponse qui a été apportée - l'abandon des pauvres tandis que les riches se mettaient à l'abri - apparaît comme un symbole de la barbarie qui vient, celle d'une Nouvelle-Orléans à l'échelle planétaire. Mais dénoncer n'est pas suffisant. Il s'agit d'apprendre à briser le sentiment d'impuissance qui nous menace, à expérimenter ce que demande la capacité de résister aux expropriations et aux destructions du capitalisme.
En Afrique, aux Antilles et sur le continent américain, les esclaves ont été des acteurs majeurs et pourtant largement mésestimés de l'histoire. À rebours de l'historiographie dominante, ce livre, qui repose notamment sur les nombreux récits de vie qu'ils ont transmis, s'attache ainsi à montrer qu'ils ont contribué à l'évolution culturelle et sociale des côtes et de l'arrière-pays africains, à la création de nouvelles sociétés métissées aux Amériques ou à l'invention de formes de résistance.
En restituant l'intensité des échanges noués entre l'Afrique et les Amériques, et en décrivant l'importance de phénomènes tels que la traite dans l'Atlantique sud ou la généralisation de l'esclavage interne précolonial dans les sociétés africaines du XIXe siècle,
Être esclave offre une synthèse particulièrement éclairante des apports les plus récents de l'historiographie internationale sur l'esclavage.
Robin des bois volant aux riches pour donner aux pauvres, telle est la figure légendaire du " bandit social " : hors-la-loi pour le souverain ; vengeur, justicier et héros aux yeux de la société paysanne. Des haïdoucs, bandits des Balkans, aux cangaçeiros du Brésil, en passant par Jesse James et Billy the Kid, Eric J. Hobsbawm retrace ici l'histoire mouvementée du banditisme social. Il inscrit le destin de ces marginaux dans l'étude des structures économiques et sociales qui conditionnent leur apparition, établissant notamment un lien entre les " épidémies de banditisme " et des phases intenses de crise économique. Le personnage du bandit apparaît comme le masque de communautés paysannes réagissant à la destruction de leur mode de vie, entre criminalité organisée et mobilisation politique. Hobsbawm décèle dans l'histoire des bandits l'une des généalogies primitives des mouvements sociaux. Jusqu'à aujourd'hui, la question du bandit demeure : comment, pour des révoltés, passer de la délinquance à la politique ?
Publié en 1970 aux Éditions Maspero, cet ouvrage s'est imposé comme un classique dans l'historiographie de la Commune. Il décrit la condamnation quasi unanime de ce soulèvement populaire par les écrivains et hommes de lettres français contemporains de l'événement et s'efforce d'en comprendre les raisons : à l'exception de quelques-uns - parmi lesquels Vallès, Rimbaud et Verlaine -, tous prennent position ouvertement contre la Commune et certains avec une virulence qui surprend encore aujourd'hui. Théophile Gautier, Maxime Du Camp, Edmond de Goncourt, Leconte de Lisle, Ernest Feydeau se retrouvent aux côtés de Gustave Flaubert, George Sand et Émile Zola pour dénoncer dans la Commune un " gouvernement du crime et de la démence " (Anatole France), responsable d'avoir plongé Paris dans un état pathologique, exploité par un groupe d'ambitieux, de fous et d'exaltés.
À ce chapitre sombre de l'histoire littéraire s'ajoute, dans cette nouvelle édition, son pendant tout aussi méconnu dans l'histoire de l'art : le soutien ou l'engagement de nombreux artistes en faveur de la Commune. Paul Lidsky s'attache ici à sortir certains d'entre eux de l'oubli, en même temps qu'il tente d'expliquer la profonde divergence des réactions entre écrivains et artistes.