« Les questions économiques sont trop importantes pour être laissées à une petite classe de spécialistes et de dirigeants. La réappropriation citoyenne de ce savoir est une étape essentielle pour transformer les relations de pouvoir. »
T. P.
En présentant l'évolution en longue durée des inégalités entre classes sociales dans les sociétés humaines, Thomas Piketty propose une perspective nouvelle sur l'histoire de l'égalité. Il s'appuie sur une conviction forte forgée au fil de ses recherches : la marche vers l'égalité est un combat qui vient de loin, et qui ne demande qu'à se poursuivre au xxie siècle, pour peu que l'on s'y mette toutes et tous.
Toutes les sociétés humaines ont besoin de justifier leurs inégalités : il faut leur trouver des raisons, faute de quoi c'est l'ensemble de l'édifice politique et social qui menace de s'effondrer. Les idéologies du passé, si on les étudie de près, ne sont à cet égard pas toujours plus folles que celles du présent. C'est en montrant la multiplicité des trajectoires et des bifurcations possibles que l'on peut interroger les fondements de nos propres institutions et envisager les conditions de leur transformation.
À partir de données comparatives d'une ampleur et d'une profondeur inédites, ce livre retrace dans une perspective tout à la fois économique, sociale, intellectuelle et politique l'histoire et le devenir des régimes inégalitaires, depuis les sociétés trifonctionnelles et esclavagistes anciennes jusqu'aux sociétés postcoloniales et hypercapitalistes modernes, en passant par les sociétés propriétaristes, coloniales, communistes et sociales-démocrates. À l'encontre du récit hyperinégalitaire qui s'est imposé depuis les années 1980-1990, il montre que c'est le combat pour l'égalité et l'éducation, et non pas la sacralisation de la propriété, qui a permis le développement économique et le progrès humain.
En s'appuyant sur les leçons de l'histoire globale, il est possible de rompre avec le fatalisme qui nourrit les dérives identitaires actuelles et d'imaginer un socialisme participatif pour le XXIe siècle : un nouvel horizon égalitaire à visée universelle, une nouvelle idéologie de l'égalité, de la propriété sociale, de l'éducation et du partage des savoirs et des pouvoirs.
Directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales et professeur à l'École d'économie de Paris, Thomas Piketty est l'auteur du Capital au XXIe siècle (2013), traduit en 40 langues et vendu à plus de 2,5 millions d'exemplaires, dont le présent livre est le prolongement.
Certains ouvrages ont enchanté des générations de lecteurs, transformé nos connaissances, posé les fondements d'un monde nouveau. D'autres au contraire se sont révélés odieux ou nocifs. Aux uns et aux autres sont consacrées des thèses et des études savantes. Il existe en revanche des livres dont on ne parle jamais, des livres « ordinaires », certes bien plus nombreux mais qui peu de temps après leur parution tombent dans l'oubli.
C'est sur l'un de ces livres discrets que se penche aujourd'hui Michel Pastoureau. À dire vrai, s'il est quelque peu oublié, il n'est pas totalement anodin puisqu'il s'agit de sa première publication, La Vie quotidienne au temps des chevaliers de la Table Ronde, parue chez Hachette, dans une collection célèbre, en 1976. Elle était consacrée à la légende arthurienne et à la société chevaleresque des XIIe et XIIIe siècles. Raconter aujourd'hui l'histoire de cet ouvrage de jeunesse est pour l'auteur l'occasion d'évoquer un certain nombre de souvenirs, de rendre une dernière visite au roi Arthur, et surtout de faire oeuvre historiographique. Que signifiait alors publier un premier livre ? Comment un jeune historien inconnu pouvait-il affronter les moeurs étranges de l'édition française ? Quel était alors le statut de la vulgarisation historique ? Et qu'est-elle devenue aujourd'hui ?
Des empreintes de mains sur les parois de Pech Merle à celles de Yenikapı en Turquie, des girafes gravées dans le désert du Sahara aux pétroglyphes géants d’Hawaï, des temples de Göbekli Tepe aux signes énigmatiques dans les grottes marines du Salento, Silvia Ferrara nous entraîne dans un extraordinaire voyage sur les traces graphiques de l’humanité. Nous voici soudain face à des dessins d’hommes et de femmes, d’animaux disparus, mais aussi face à des figures géométriques et sans légendes. Comment naissent des symboles, des icônes, des signes, des mots ? Qui les crée, et pourquoi ? Et qui les comprend ?
Dans ce « saut » vers l’abstraction s’exprime la capacité humaine à façonner le réel et à lui donner vie. En déchiffrant ces écrits d’avant l’écriture qui nous parviennent depuis le fond des millénaires, les questions restent parfois en suspens. Mais la puissance de l’imagination continue de nous émerveiller et de nous parler.
Silvia Ferrara est professeure de philologie mycénienne à l'Université de Bologne. Elle est responsable du programme de recherches européen INSCRIBE (Invention of Scripts and their Beginnings) consacré aux inventions de l'écriture.
Qu'est-ce qu'un événement ? La question est tout sauf théorique, puisqu'elle affecte le cours même de nos existences. Il est des moments où l'on ressent intimement le pli cassant du temps, qui sépare nettement un avant d'un après. Mais parfois c'est plus incertain. Le passé semble s'attarder, et l'on attendra de la mémoire qu'elle façonne, après coup, le sens de ce qui a eu lieu.
Inspiré de l'émission « Quand l'histoire fait dates », diffusée sur Arte, ce livre propose d'explorer cette question à partir de trente dates qui, de la grotte de Lascaux à la libération de Nelson Mandela, des grandes batailles de l'Asie centrale à la conquête du pôle Sud, traversent toutes les époques et parcourent le monde. Chaque événement, qu'il soit célèbre ou plus inattendu, apparaît toujours comme la porte d'entrée d'une histoire qui se veut accueillante aux imaginaires, aux mémoires et aux émotions.
En composant à travers ces récits dix manières de créer l'événement, Patrick Boucheron laisse ainsi entendre les accords secrets qui résonnent à travers les frises chronologiques de notre enfance et rend à l'histoire sa force d'entraînement, la ramenant à ce qu'elle peut être dès lors qu'elle s'adresse à nos vies : l'art de se ménager des surprises.Professeur au Collège de France, Patrick Boucheron a notamment publié aux éditions du Seuil Conjurer la peur (2013), La Trace et l'Aura (2019) et dirigé l'Histoire mondiale de la France (2017).
Vert
Aimez-vous le vert ? À cette question les réponses sont partagées. En Europe, une personne sur six environ a le vert pour couleur préférée ; mais il s'en trouve presque autant pour le détester. Couleur ambivalente, sinon ambiguë, il est symbole de vie, de sève, de chance et d'espérance d'un côté, associé au poison, au malheur, au Diable et à ses créatures de l'autre.
Chimiquement instable, le vert a été apparenté à tout ce qui était changeant : l'enfance, l'amour, la chance, le jeu, le hasard, l'argent. Ce n'est qu'à l'époque romantique qu'il est définitivement devenu la couleur de la nature, puis celle de la santé, de l'hygiène et enfin de l'écologie. Aujourd'hui, l'Occident lui confie l'impossible mission de sauver la planète.
Michel Pastoureau retrace avec un talent inégalable la longue histoire sociale, artistique et symbolique du vert dans les sociétés européennes, de la Grèce antique jusqu'à nos jours.
Michel Pastoureau
Historien, spécialiste des couleurs, des images, des emblèmes et du bestiaire, Michel Pastoureau est directeur d'études émérites à l'École pratique des hautes études. Il a notamment publié au Seuil L'Étoffe du diable, Bleu, Une histoire symbolique du Moyen Âge occidental et L'Ours, tous disponibles en " Points Histoire ".
" Ce ne serait pas trop de l'histoire du monde pour expliquer la France "
Jules Michelet, Introduction à l'histoire universelle (1831)
Voici une histoire de France, de toute la France, en très longue durée qui mène de la grotte Chauvet aux événements de 2015.
Une histoire qui ne s'embarrasse pas plus de la question des origines que de celle de l'identité, mais prend au large le destin d'un pays qui n'existe pas séparément du monde, même si parfois il prétend l'incarner tout entier. Une histoire qui n'abandonne pas pour autant la chronologie ni le plaisir du récit, puisque c'est par dates qu'elle s'organise et que chaque date est traitée comme une petite intrigue.
Réconciliant démarche critique et narration entraînante, l'ouvrage réunit, sous la direction de Patrick Boucheron, un collectif d'historiennes et d'historiens, tous attachés à rendre accessible un discours engagé et savant. Son enjeu est clair : il s'agit de prendre la mesure d'une histoire mondiale de la France, c'est-à-dire de raconter la même histoire – nul contre-récit ici – qui revisite tous les lieux de mémoire du récit national, mais pour la déplacer, la dépayser et l'élargir. En un mot : la rendre simplement plus intéressante !
Ce livre est joyeusement polyphonique. Espérons qu'un peu de cette joie saura faire front aux passions tristes du moment.
Directeur d'ouvrage : Patrick Boucheron est professeur au Collège de France.
Coordination : Nicolas Delalande est professeur associé au Centre d'histoire de Sciences Po ; Florian Mazel est professeur à l'université Rennes 2 ; Yann Potin est chargé d'études documentaires aux Archives nationales ; Pierre Singaravélou est professeur à l'université Paris I Panthéon-Sorbonne.
Lors du décès d'une tante sans descendance, Annette Wieviorka réfléchit aux traces laissées par tous les êtres disparus qui constituent sa famille, une famille juive malmenée par l'Histoire. Il y a le côté Wieviorka et le côté Perelman. Wolf, l'intellectuel yiddish précaire, et Chaskiel, le tailleur taiseux. L'un écrit, l'autre coud. Ils sont arrivés à Paris au début des années 1920, en provenance de Pologne. Leurs femmes, Hawa et Guitele, assument la vie matérielle et celle de leurs enfants.
Dans un récit en forme de tombeaux de papier qui font oeuvre de sépultures, l'historienne adopte un ton personnel, voire intime, et plonge dans les archives, les généalogies, les souvenirs directs ou indirects. Par ces vies et ces destins recueillis, on traverse un siècle cabossé, puis tragique : d'abord la difficile installation de ces immigrés, la pauvreté, les années politiques, l'engagement communiste ou socialiste, le rapport complexe à la religion et à la judéité, puis la guerre, les rafles, la fuite ou la déportation - Paris, Nice, la Suisse, Auschwitz - et enfin, pour certains, le difficile retour à la vie marqué par un autre drame.
Tout l'art consiste ici à placer le lecteur à hauteur d'hommes et de femmes désireux de bonheur, de joie, de liberté, bientôt confrontés à l'impensable, à l'imprévisible, sans certitudes ni connaissances fiables au moment de faire des choix pourtant décisifs. C'est ainsi que des personnages très attachants et un monde disparu retrouvent vie, par la grâce d'une écriture sensible et précise.
Directrice de recherche honoraire au CNRS, Annette Wieviorka est une spécialiste mondialement reconnue de l'histoire de la Shoah. Elle a notamment publié au Seuil Auschwitz expliqué à ma fille (1999), 1945. La Découverte (2015) et récemment, aux éditions Stock, Mes années chinoises (2021).
Noir
Couleur de la mort et de l'enfer, le noir n'a pas toujours été une couleur négative. Au fil de son histoire, il a aussi été associé à la fertilité, à la tempérance, à la dignité. Et depuis quelques décennies, il incarne surtout l'élégance et la modernité.
Du noir des moines et des pirates au noir des peintres et des couturiers, Michel Pastoureau retrace la destinée européenne de cette couleur pas comme les autres. Il s'attache à cerner sa place dans les faits de langue, les pratiques sociales, la création artistique et le monde des symboles. Couleur à part entière jusqu'à ce que l'invention de l'imprimerie puis les découvertes de Newton lui donnent le statut particulier de non-couleur, le noir dévoile ici une histoire culturelle extrêmement riche, depuis les mythologies des origines jusqu'à son triomphe au XXe siècle.
Michel Pastoureau
Historien, spécialiste des couleurs, des images et des symboles, il est directeur d'études à l'École pratique des hautes études. Il a notamment publié L'Étoffe du diable, Bleu, Une histoire symbolique du Moyen Âge occidental et L'Ours.
« Stress », « burn out » ou « charge mentale » : les xxe et xxie siècles ont vu une irrépressible extension du domaine de la fatigue. Les épuisements s'étendent du lieu de travail au foyer, du loisir aux conduites quotidiennes. Une hypothèse traverse ce livre : le gain d'autonomie, réelle ou postulée, acquis par l'individu des sociétés occidentales, la découverte d'un « moi » plus autonome, le rêve toujours accru d'affranchissement et de liberté ont rendu toujours plus difficile à vivre tout ce qui peut contraindre et entraver.
Que nous est-il arrivé ?
Ce livre novateur révèle une histoire encore peu étudiée, riche de métamorphoses et de surprises, depuis le Moyen Âge jusqu'à nos jours. Les formes « privilégiées » de fatigues, celles qui mobilisent les commentaires, celles qui s'imposent en priorité aux yeux de tous, évoluent avec le temps. Les symptômes de la fatigue se modifient, les mots s'ajustent (« langueur », « dépérissement », « pénibilité »...), des explications se déploient, des degrés se précisent, des revendications se font jour.
Un parcours passionnant qui croise histoire du corps et de sensibilités, des structures sociales et du travail, de la guerre et du sport, jusqu'à celle de notre intimité. Pour éclairer tout autrement notre présent.
« Ce livre n'est pas un livre sur le grec ancien, ni sur l'alphabet. C'est un récit, qui parle d'une invention, la plus grande du monde » Silvia Ferrara
Pourquoi l'homme s'est-il mis à écrire ? Comment et où cette révolution a-t-elle eu lieu ? Voilà les mystères sur lesquels Silvia Ferrara lève le voile. Pour cela, elle nous fait voyager dans le temps et l'espace comme dans les méandres de l'esprit humain. Ici, elle dresse
le fascinant inventaire des graphies non encore élucidées ; là, elle retrace les multiples apparitions de l'écriture dans l'histoire. Car tout laisse penser qu'elle a été découverte et s'est effacée, sans laisser de traces, à plusieurs reprises. Sa naissance en Mésopotamie au quatrième millénaire avant notre ère n'aurait été qu'une occurrence parmi tant d'autres.
Pris par un récit vertigineux, qui nous transporte du Mexique aux pourtours de la mer Égée, de la Chine aux Îles de Pâques, nous suivons pas à pas les progrès d'une recherche qui a considérablement progressé dans les dernières décennies. Enrichie d'illustrations, cette Fabuleuse Histoire... nous instruit autant qu'elle nous fait rêver.
En relatant la vie de plusieurs réfractaires inconnus à travers les traces laissées dans les archives des tribunaux, Marius Loris décrit les différentes formes de la désobéissance - de la contestation discrète à la résistance plus directe - parmi les soldats de l'armée française en Algérie. Si l'on connaît l'épisode du putsch d'avril 1961 ou le mouvement des rappelés en métropole contre le service militaire en 1955-1956, les résistances quotidiennes et les déviances de guerre restent largement inconnues et sous-estimées. Des épisodes d'importance mais ignorés, comme les nombreuses mutineries ayant eu lieu après les Accords d'Évian (mars 1962) jusqu'au départ définitif du contingent en 1964, ont pourtant émaillé le conflit.
Comment et pourquoi des appelés ont refusé les ordres ? C'est toute la question de la discipline dans une armée en guerre que pose ce livre à un moment où le commandement ne va plus de soi. Après la Seconde Guerre mondiale, le sentiment de l'honneur perdu couplé à celui de la perte de prestige de l'uniforme forme en effet un terrain explosif pour des officiers français qui se sentent méprisés et déclassés. Parallèlement, la guerre d'Algérie est aussi un moment de politisation intense du contingent, à l'image des mutations à l'oeuvre dans la société française des années 1950-1960. L'heure est au refus de l'autorité et à l'antimilitarisme. La multiplication des petits actes de résistance dans le contingent en témoigne. À la sortie de la guerre, le pacte qui lie l'armée aux citoyens doit être repensé.Docteur de l'Université Paris 1 Sorbonne, Marius Loris Rodionoff a mené des recherches sur la guerre contre-révolutionnaire durant la guerre d'Algérie. Il est par ailleurs poète et performeur.
Depuis les analyses célèbres de Karl Marx, l'histoire de la Commune de Paris a été placée au centre de notre compréhension de l'événement révolutionnaire. Et l'espérance de "faire commune" fait aujourd'hui retour dans notre imaginaire politique.
Cet ouvrage se propose de mener l'archéologie de cette puissance d'actualisation, mais en revenant d'abord sur la force de l'événement lui-même. Le récit prend appui sur une enquête archivistique minutieuse qui permet de reconstituer, par le bas, les stratégies des acteurs, leurs luttes comme l'ouverture des possibles qui marque ces journées. L'événement dépasse dès ses débuts le cadre parisien. De la rue Julien-Lacroix aux concessions de Shanghai en passant par l'insurrection kabyle, la Croix-Rousse à Lyon ou la république des cultivateurs aux Caraïbes, le livre propose une histoire à différentes échelles, du local au global, en décrivant des interconnections multiples.
De là un essai vif et original sur l'histoire transnationale des échos entre l'espérance révolutionnaire française et les trajectoires insurrectionnelles mondiales, doublé d'une réflexion renouvelée sur les rapports entre ordre social et révolution.
Jean-Pierre Vernant raconte les mythes de la Grèce ancienne. Il évoque les origines de l'Univers, la guerre des dieux et les liens que l'humanité n'a cessé d'entretenir avec le divin. De la castration d'Ouranos aux ruses de Zeus, de l'invention de la femme au voyage d'Ulysse, des aventures d'Europe au destin boiteux d'Œdipe et à la course aux Gorgones, l'auteur nous fait entendre ces vieux mythes toujours vivants.
Jean-Pierre Vernant, qui a consacré sa vie à la mythologie grecque, nous permet alors de mieux en déchiffrer le sens souvent multiple. C'est à cette rencontre entre le conteur et le savant que ce livre doit son originalité.
Dans son Avant-popos, Vernant écrit : " Dans ce livre, j'ai tenté de livrer directement de bouche à oreille un peu de cet univers grec auquel je suis attaché et dont la survie en chacun de nous me semble, dans le monde d'aujourd'hui, plus que jamais nécessaire. Il me plaisait aussi que cet héritage parvienne au lecteur sur le mode de ce que Platon nomme des fables de nourrice, à la façon de ce qui se passe d'une génération à la suivante en dehors de tout enseignement officiel.
J'ai essayé de raconter comme si la tradition de ces mythes pouvait se perpétuer encore. La voix qui autrefois, pendant des siècles, s'adressait directement aux auditeurs grecs, et qui s'est tue, je voulais qu'elle se fasse entendre de nouveau au lecteurs d'aujourd'hui, et que, dans certaines pages de ce livre, si j'y suis parvenu, ce soit elle, en écho, qui continue à résonner. "
Autour de Florian Mazel, les meilleurs spécialistes de la période médiévale nous offrent une ambitieuse synthèse qui propose, à la lumière des recherches les plus récentes, et en cheminant au fil d'une soixantaine de textes et d'une centaine d'images, un nouveau récit du Moyen Âge européen.
« Le Moyen Âge est une séquence de temps qui n'a pas d'âge, hors d'âge si l'on veut, et son altérité est profonde. Mais cette étrangeté, le dépaysement que l'on peut éprouver en ses allées, n'est ni sans charme ni sans intérêt. Le Moyen Âge représente en effet, par son altérité même, un extraordinaire lieu de vagabondage et un remarquable terrain d'exercice pour l'esprit critique, où réfléchir entre autres choses, à relative distance des passions contemporaines, aux relations entre public et privé, communauté et identité, hiérarchies et solidarités, rôle et statut, mémoire et histoire, violence et solidarité, droit et tradition, don et échange, imaginaire et identité, institution et pouvoir, croissance et environnement... Qui trouverait la chose inutile ? »
Florian Mazel
Florian Mazel est professeur à l'université de Rennes 2. Ses recherches sur l'aristocratie et l'Église l'ont imposé comme l'un des meilleurs historiens médiévistes français spécialistes de la société féodale. Il a publié en 2010 une magistrale synthèse Féodalités, 888-1180 (volume de « L'Histoire de France » dirigée par Joël Cornette aux éditions Belin) et en 2016 au Seuil L'Évêque et le territoire. L'invention médiévale de l'espace (Ve-XIIIe siècle). Il a par ailleurs participé, en tant que coordinateur, à L'Histoire mondiale de la France, dirigée par Patrick Boucheron (Seuil, 2017).
Rien de ce qui est humain ne nous est étranger retrace la vie des grands-parents de Claudio Lomnitz, Misha et Noemi, deux jeunes Juifs de Bessarabie. L'un migre seul au Pérou en 1919. L'autre y part avec ses parents en 1921. Fondateurs de revues, imprégnés d'idéaux internationalistes, antiimpérialistes puis antifascistes, passionnés d'éducation populaire et d'ethnologie, attachés à l'émancipation des Juifs et des Indiens, fraternisant avec les Quechua, intimes du Gramsci latino-américain, José Carlos Mariategui, Misha et Noémi n'ont cessé de rechercher les moyens de faire advenir une civilisation universelle.
Globe-trotters de l'émancipation, séjournant à Paris, au Chili, en Colombie, en Israël, avant de s'établir en Californie, ils sont porteurs d'une judéité qui s'est identifiée à l'humanisme cosmopolite et s'est transmise à leur petit-fils, le narrateur, né entre les langues, les nationalités, les continents. La traversée de ces mondes est l'occasion pour l'auteur de leur donner une riche épaisseur sociale et historique et de nous révéler des connexions inattendues et passionnantes, des résistances admirables et obstinées au coeur de ce tragique XXe siècle.Francophone, Claudio Lomnitz est anthropologue et historien. Il est professeur d'anthropologie à Columbia University. Il a publié de nombreux ouvrages principalement consacrés au Mexique, dont une histoire politique et culturelle de la mort. Il est contributeur au grand quotidien mexicain La Jornada.Traduit de l'anglais par Marc Saint-Upéry.
On le sait depuis les procès de Nuremberg : la " solution finale de la question juive " était un secret d'État partagé par les plus hautes élites nazies qui connaissaient pertinemment le sort des Juifs européens déportés à l'Est : la mise à mort systématique, à Auschwitz ou à Treblinka.
Si l'on en croit son Journal, néanmoins, Goebbels constituait une exception. Le ministre de la Propagande avait certes été informé du massacre des Juifs soviétiques puis polonais. Pour autant, il crut pendant longtemps que les Juifs déportés depuis l'Allemagne étaient concentrés à l'Est dans des ghettos, en attendant une future transplantation. Or ils étaient assassinés. Intime de Hitler et figure majeure du régime, Goebbels était-il le seul à ne pas savoir ?
S'appuyant sur une très large documentation, Florent Brayard fait dans cette enquête le pari inverse : la singularité du cas Goebbels invite en réalité à repenser le secret qui entoura Auschwitz. Car les archives révèlent de nombreuses anomalies, passées souvent inaperçues, qui montrent que la " solution finale " fut durablement présentée au sein de l'appareil d'État comme une simple transplantation.
De fait, même dans le Reich nazi, le meurtre de tous les Juifs européens constituait un acte hautement transgressif, que Hitler et Himmler avaient préféré cacher – autrement dit, un complot. La conférence de Wannsee en janvier 1942 ne fut donc pas le moment où ce meurtre systématique avait été révélé : il fallut pour cela attendre octobre 1943 et les fameux discours de Himmler à Posen.
De l'aveu même de l'orateur, tout, ou presque, était alors achevé.
Historien, chercheur au CNRS, Florent Brayard est l'un des meilleurs spécialistes du nazisme et du génocide des Juifs. Il a notamment publié La " solution finale de la question juive ". La technique, le temps et les catégories de la décision (Fayard, 2004).
Francesca Trivellato part sur les traces de la légende qui a accompagné l'idée de prédispositions particulières des Juifs pour le commerce et le crédit. À l'origine se trouve la fable de l'invention juive, à la fin du Moyen Âge, de l'assurance maritime et de la lettre de change, deux instruments essentiels de la finance privée européenne. Exprimée pour la première fois dans le texte d'un avocat bordelais du XVIIe siècle, cette construction imaginaire, à très longue portée et aux conséquences terribles, se trouve reprise par Montesquieu, Voltaire, Beccaria, puis dans les textes plus contemporains de Marx ou Weber.
Retraçant les différentes manifestations de cette légende et ce qu'elles révèlent des aspirations et des craintes collectives des contemporains, ce livre s'attache à décrire le fonctionnement de l'économie préindustrielle, les mécanismes du crédit à l'époque moderne et la mise en place du statut des Juifs en France et en Europe, du milieu du XVIIe siècle jusqu'à Napoléon. Magnifique ouvrage d'histoire culturelle de l'économie, Juifs et capitalisme montre que les débats sur la portée du marché ont toujours été indissociables de l'élaboration de hiérarchies juridiques et symboliques impliquant inclusions et exclusions. L'anonymat du marché est une idée récente. Elle reste une réalité insaisissable.Professeure d'histoire moderne, spécialiste de l'histoire culturelle et économique, théoricienne de ce qu'elle a appelé la microstoria globale, Francesca Trivellato est devenue en 2018 full professor à l'Institute for Advanced Study de Princeton, une des positions les plus prisées en Amérique du Nord. Elle a publié aux éditions du Seuil Corail contre diamants. De la Méditerranée à l'océan Indien au XVIIIe siècle (« L'Univers historique », 2016).
Je suis parti, en historien, sur les traces des grands-parents que je n'ai pas eus. Leur vie s'achève longtemps avant que la mienne ne commence : Matès et Idesa Jablonka sont autant mes proches que de parfaits étrangers. Ils ne sont pas célèbres. Pourchassés comme communistes en Pologne, étrangers illégaux en France, juifs sous le régime de Vichy, ils ont vécu toute leur vie dans la clandestinité. Ils ont été emportés par les tragédies du XXe siècle : le stalinisme, la montée des périls, la Deuxième Guerre mondiale, la destruction du judaïsme européen.
Pour écrire ce livre, j'ai exploré une vingtaine de dépôts d'archives et rencontré de nombreux témoins dans le monde entier. J'ai cherché non pas à être objectif, mais radicalement honnête. Cette quête de vérité a fait naître une littérature qui satisfait aux exigences de la méthode.
I. J.
Ivan Jablonka est historien et écrivain. Il a publié au Seuil, dans "La Librairie du XXIe siècle", L'histoire est une littérature contemporaine. Manifeste pour les sciences sociales (2014), Laëtitia ou la fin des hommes (2016, prix Médicis) et En camping-car (2018).
De l'aube de l'époque moderne au milieu du XXe siècle, les sociétés occidentales ont débattu du changement climatique, de ses causes et de ses effets sur les équilibres écologiques, sociaux, politiques. On ne se préoccupait alors ni de CO2 ni d'effet de serre. On pensait par contre que couper les forêts et transformer la planète modifieraient les pluies, les températures, les saisons. Cette question fut posée partout où l'histoire avançait à grands pas : par les Conquistadors au Nouveau Monde, par les révolutionnaires de 1789, par les savants et les tribuns politiques du XIXe siècle, par les impérialistes européens en Asie et en Afrique jusqu'à la Seconde Guerre mondiale.
Cette enquête magistrale raconte pour la première fois les angoisses et les espoirs de sociétés qui, soumises aux aléas du ciel, pensent et anticipent les changements climatiques. Elle montre que la transformation du climat fût au coeur de débats fondamentaux sur la colonisation, Dieu, l'Etat, la nature et le capitalisme et que de ces batailles ont émergé certains concepts-clés des politiques et des sciences environnementales contemporaines. Si, pendant un bref laps de temps, l'industrie et la science nous ont inculqué l'illusion rassurante d'un climat impassible, il nous faut, à l'heure du réchauffement global, affronter de nouveau les révoltes du ciel.
Au XIXe siècle, la France s’est lancée dans la colonisation de pays entiers en Afrique et en Asie. Quelles ont été les motivations et les méthodes de cette politique ? Comment les sociétés dominées ont-elles été bouleversées, et quel développement économique et social ont-elles connu ? La décolonisation est-elle achevée aujourd’hui ? Un Empire bon marché propose de nouvelles réponses à ces questions controversées.
Grâce à un long travail d’archives et d’analyse statistique, l’ouvrage décrit ainsi avec une grande précision les États coloniaux et leur fonctionnement – à travers notamment la fiscalité, le recrutement militaire, les flux de capitaux et les inégalités. Il montre que l’empire a peu coûté à la métropole jusqu’aux guerres d’indépendance, et que les capitaux français n’ont pas ruisselé vers les colonies. La « mission civilisatrice » que la République française s’était assignée n’a donc pas débouché sur le développement des pays occupés, et c’est plutôt un régime à la fois violent et ambigu qui s’y est établi. De fait, le régime colonial a surtout bénéficié à une petite minorité de colons et de capitalistes français. Quant aux élites nationalistes, elles ont le plus souvent reconduit un État autoritaire et inégalitaire après les indépendances. En s'attachant à l’évolution des sociétés colonisées et à leur devenir, Denis Cogneau fournit une contribution majeure et un nouvel éclairage sur l’impérialisme, d’hier à aujourd’hui.
Que reste-t-il des couleurs de notre enfance ? Quels souvenirs gardons-nous d'un lapin bleu, d'une robe rouge, d'un vélo jaune ? Ont-ils vraiment revêtu ces couleurs ? Plus tard, lesquelles associons-nous à nos années d'études, à nos premières amours, à notre vie d'adulte ? Comment la couleur s'inscrit-elle dans le champ de la mémoire ? Comment est-elle capable de la stimuler ? de la transformer ? Ou bien, au contraire, comment est-elle victime de ses caprices ou de ses intermittences ?
Pour tenter de répondre à ces questions – et à beaucoup d'autres – Michel Pastoureau nous propose un journal chromatique s'étendant sur plus d'un demi-siècle (1950-2010). Souvenirs personnels, notations prises sur le vif, propos débridés, digressions savantes ou remarques propres à l'historien, ce livre retrace l'histoire des couleurs en France et en Europe depuis le milieu du XXe siècle. De nombreux champs d'observation sont parcourus ou évoqués : le vocabulaire et les faits de langue, la mode et le vêtement, les objets et les pratiques de la vie quotidienne, les emblèmes et les drapeaux, le sport, la littérature, la peinture, les musées et l'histoire de l'art.
Ce journal chromatique, tour à tour ludique, poétique ou nostalgique, est à la fois celui de l'auteur et celui de nos contemporains. Nous vivons dans un monde de plus en plus coloré mais où la couleur reste un lieu de mémoire, une source de plaisirs et plus encore une invitation au rêve.
Spécialiste des couleurs, des images et des symboles, Michel Pastoureau est historien et directeur d'études à l'École pratique des hautes études. Il a publié au Seuil : Bleu. Histoire d'une couleur (2000), Figures romanes (2002), Noir. Histoire d'une couleur (2008), L'Art héraldique au Moyen Âge (2009) ; et dans cette même collection : L'Étoffe du Diable. Une histoire des rayures et des tissus rayés (1991), Une histoire symbolique du Moyen Âge occidental (2004), L'Ours. Histoire d'un roi déchu (2007).
" Enfin la biographie que ce géant méritait "
Robert Paxton
S'appuyant sur une très large masse d'archives et de mémoires, Julian Jackson explore toutes les dimensions du mystère de Gaulle, sans chercher à lui donner une excessive cohérence. Personne n'avait décrit ses paradoxes et ses ambiguïtés, son talent politique et sa passion pour la tactique, son pragmatisme et son sens du possible, avec autant d'acuité et d'esprit. Des citations abondantes, éblouissantes d'intelligence, de drôlerie, de méchanceté parfois, restituent la parole de De Gaulle mais aussi les commentaires de Churchill et de tous ceux qui ont appris à le connaître, à se méfier de lui ou à s'exaspérer de son caractère vindicatif, de son ingratitude ou de ses provocations...
Aucun détail inutile ici et aucun des défauts de ces biographies-fleuves où l'on se perd, mais une narration toujours tendue, attachée aux situations politiques, intellectuelles, sociales et aux configurations géopolitiques qui éclairent une action et son moment.
Julian Jackson relit cette existence politique hors norme et son rapport à la France à la lumière des questions du passé, qu'il restitue de manière extraordinairement vivace, et de celles qui nous occupent aujourd'hui – et notamment l'histoire coloniale et l'Europe, la place de la France dans le monde, mais aussi évidemment les institutions de la Ve République. En ce sens, c'est une biographie pour notre temps.
C'est aussi une biographie à distance, par un observateur décalé qui mieux qu'aucun autre fait ressortir le caractère extravagant d'un personnage singulier à tout point de vue, extraordinairement romanesque dans ses audaces comme dans ses parts d'ombre, et dont l'héritage ne cesse de hanter la mémoire des Français.
Spécialiste de l'histoire de la France au XXe siècle, Julian Jackson est professeur d'Histoire à Queen Mary, University of London. Sur toutes les listes des meilleurs livres de l'année en Grande-Bretagne, sa biographie de De Gaulle a été couronnée du très prestigieux Duff Cooper Prize.
Cet ouvrage d'une ambition exceptionnelle présente sous une forme accessible à un large public une histoire inédite de l'esclavage depuis la Préhistoire jusqu'au présent. Il paraît vingt ans après le vote de la loi Taubira, alors que la prise de conscience du passé esclavagiste est chaque jour plus aiguisée au sein de la société française. L'histoire de l'esclavage, trop longtemps tenue pour une forme de passé subalterne, est ici replacée au coeur de l'histoire mondiale. Le livre renouvelle une approche comparée dans l'étude du phénomène esclavagiste, qui conduit le lecteur de l'Inde ancienne aux Antilles du xviiie siècle, de la Chine des Han jusqu'au Brésil colonial, de l'Egypte médiévale à l'Ouganda contemporain. Loin de banaliser la singularité monstrueuse de l'esclavage colonial issu de la traite transatlantique, la comparaison contribue à l'éclairer.
Ce livre fait donc le pari de la connaissance et de la réflexion, convaincu que le savoir historique offre des ressources critiques qui ont le pouvoir d'émanciper. Le parti pris du monde et la perspective comparatiste qui sont la sienne souhaitent enrichir les scènes et les figures depuis lesquelles relire notre histoire, mais aussi, espérons-le, tracer des chemins vers d'autres futurs possibles.
Avec plus de 50 auteurs et autrices de 15 nationalités différentes.
Épilogue par Léonora Miano, écrivaine et essayiste.
Conclusion par Orlando Patterson, sociologue et professeur à Harvard University.
Direction d'ouvrage : Paulin Ismard, historien, professeur d'histoire ancienne à l'université Aix-Marseille.
Coordination : Benedetta Rossi, historienne et anthropologue, professeure à University College de Londres, et Cécile Vidal, historienne, directrice d'études à l'École des hautes études en sciences sociales.
Avec le soutien de la Fondation pour la mémoire de l'esclavage.