« Le Contrat social de Rousseau, publié en avril 1762, étonne par l'évidence des principes politiques qui le constituent. Il invente l'idée de la démocratie absolue en prenant le peuple moins comme objet que comme sujet de son discours. Son traité politique ne concerne plus seulement les gouvernants, les princes ou les conseils, mais les gouvernés. Ce déplacement du haut vers le bas de la hiérarchie civile fait du Contrat social le lieu théorique de rassemblement de l'humanité citoyenne. "Trouver une forme d'association qui défende et protège de toute la force commune la personne et les biens de chaque associé, et par laquelle chacun, s'unissant à tous, n'obéisse pourtant qu'à lui-même, et reste aussi libre qu'auparavant". Le Contrat social apporte la solution au problème du gouvernement de l'homme, celle de l'auto-gouvernement - obéissance à sa seule personne, aux lois qu'il se prescrit. Sa liberté naturelle se change en liberté morale. Denis Podalydès, fervent lecteur du Contrat social, nous fait partager l'émotion liée à l'intelligence de ce texte précurseur, et grâce à son talent de comédien, nous aide à découvrir et comprendre un texte fondateur de notre société moderne. » Alexandre Wong & Claude Colombini-Frémeaux
Paru en 1755, le Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes peut être considéré comme la matrice de l'oeuvre morale et politique de Rousseau : il y affirme sa stature de philosophe, l'originalité de sa voix, la force de son « système ».
Résoudre le problème posé par l'Académie de Dijon - « quelle est la source de l'inégalité parmi les hommes et si elle est autorisée par la loi naturelle ? » -, en d'autres termes expliquer que riches et puissants dominent leurs semblables sur lesquels ils n'ont pas de réelle supériorité, exige aux yeux de Rousseau de poser à nouveaux frais la question « qu'est-ce que l'homme ? ».
Pour cela, il faut comprendre comment s'est formée sa « nature actuelle », si éloignée de ce que serait son état de nature : « Si je me suis étendu si longtemps sur la supposition de cette condition primitive, c'est qu'ayant d'anciennes erreurs et des préjugés invétérés à détruire, j'ai cru devoir creuser jusqu'à la racine... »
Présentation, notes, bibliographie et chronologie par Blaise Bachofen et Bruno Bernardi
Illustration de la couverture: Virginie Berthemet © Flammarion
Le secret du bonheur ? C'est ce que promet Épicure dans la Lettre à Ménécée. N'ayons peur ni des dieux, ni de la mort, ni de la douleur ou de la mauvaise fortune. Recherchons le plaisir, parce qu'il est conforme à la nature. Mais pour ce faire, nous devons nous libérer des idées fausses que produisent en nous les préjugés, les opinions courantes ou les croyances superstitieuses. Il faut donc recourir à la raison et à l'exercice pour suivre la nature. Telle est précisément la tâche de la philosophie : elle définit la discipline rationnelle nécessaire au bonheur. La Lettre à Ménécée, texte fondateur de l'épicurisme, exercera une influence décisive dans l'Antiquité comme dans la pensée moderne et contemporaine : sur le poète romain Lucrèce - qui fait l'objet de notre dossier -, mais aussi sur tous ceux qui revendiquent une éthique réconciliant le plaisir et la raison.
Il n'y avait à ce jour que deux traductions disponibles de la Métaphysique d'Aristote en français. Celle de Jules Barthélémy Saint-Hilaire date de 1878. Il est évident que depuis sa parution beaucoup de travaux en codicologie, en paléographie et en philosophie ont amélioré notre connaissance du texte et notre compréhension de son contenu. La seconde traduction, celle de Jules Tricot, a paru en 1933, puis a été plusieurs fois rééditée, en particulier en 1964. Le traducteur déclare lui-même avoir voulu «rendre la pensée d'Aristote» plutôt que de s'astreindre à «une exactitude littérale». La présente traduction suit une méthode exactement opposée : elle se conforme rigoureusement au texte grec, tel qu'il est transmis par les manuscrits les plus anciens, pour tenter de saisir la pensée d'Aristote. Il est clair que la tâche n'en est pas simplifiée. Cependant l'évolution des connaissances philologiques et philosophiques autant que les exigences actuelles en matière de traduction montrent l'utilité de proposer une nouvelle version d'un texte rarement traduit.
La Phénoménologie de l'esprit n'est pas seulement un ouvrage décisif dans l'histoire de la philosophie : c'est aussi, aux côtés du théâtre de Shakespeare ou de La Divine Comédie de Dante, l'une des oeuvres majeures de la culture occidentale. Achevée dans l'urgence, parue en 1807 dans une Europe agitée par les guerres napoléoniennes, elle eut un succès tardif : en France, il fallut attendre le XXe siècle pour qu'on reconnût en elle le sommet de la philosophie idéaliste allemande - à la fois une remémoration dense et fulgurante de toute la philosophie, et le début d'une nouvelle façon de penser la vie, l'histoire et la pensée elle-même.
La présente traduction restitue la dynamique poétique propre à ce moment où s'expose pour la première fois la démarche dialectique de Hegel : en s'attachant à préserver l'économie et la fluidité singulières de la langue de l'auteur, elle offre une nouvelle lecture de ce texte capital.
Illustration : Virginie Berthemet © Flammarion
« La loi morale est sainte (inviolable). L'homme est sans doute très éloigné de la sainteté, mais il faut que l'humanité dans sa personne soit sainte pour lui. Dans la création tout entière, tout ce que l'on veut, et ce sur quoi on a quelque pouvoir, peut aussi être employé simplement comme moyen ; l'homme seul, et avec lui toute créature raisonnable, est fin en soi-même. Il est, en effet, grâce à l'autonomie de sa liberté, le sujet de la loi morale, laquelle est sainte. C'est précisément en raison de cette liberté que toute volonté, même la volonté propre à chaque personne et dirigée sur elle-même, est bornée par la condition de l'accord avec l'autonomie de l'être raisonnable, à savoir de ne le soumettre à aucune intention qui ne serait pas possible suivant une loi pouvant trouver sa source dans le sujet même qui pâtit, et donc de ne l'utiliser jamais simplement comme moyen, mais en même temps en lui-même comme une fin. Cette condition, à bon droit, s'impose, pour nous, même à la volonté divine relativement aux êtres raisonnables dans le monde, en tant qu'il s'agit de ses créatures, parce qu'elle repose sur la personnalité de ceux-ci, par laquelle seule ils sont des fins en soi. »
Kant
Livre de la maturité, Humain, trop humain ouvre la deuxième période de la pensée nietzschéenne. Le philosophe a trouvé le style d'écriture qu'il n'abandonnera plus - la forme aphoristique - et l'objet qui l'occupera toujours - l'analyse des moeurs et de la culture.
Dans ce second volume, composé d'Opinions et sentences mêlées et du Voyageur et son ombre, Nietzsche aborde des sujets de tous ordres : l'enseignement, la mode, le christianisme, le châtiment, les Grecs... Au lieu de proposer un exposé dogmatique, il procède, tel le voyageur sans attaches, par essais et expérimentations. Mais derrière le caractère apparemment hétéroclite de l'oeuvre, c'est bien à une étude des moeurs et, à travers elle, à une critique de la morale que Nietzsche s'emploie. Pour lui, en effet, la morale telle qu'elle s'est développée dans la tradition philosophique a masqué derrière les lumières de la raison ce qui est perçu comme une faiblesse : les pulsions, l'irrationnel, l'« ombre » en chacun de nous - ces choses injustement mises au rebut alors qu'elles constituent la réalité profonde de la vie et que Nietzsche appelle le « trop humain » de l'humain.
En 1943, alors qu'elle a rejoint, à Londres, le commissariat à l'Intérieur de la France combattante, Simone Weil écrit ce qui sera sa dernière oeuvre. Sa mort prématurée quelques mois plus tard met fin brutalement à la rédaction de ce texte majeur par lequel elle entendait apporter sa contribution à la France d'après-guerre.
Prélude à la nouvelle Déclaration des droits de l'homme souhaitée par le général de Gaulle, essai sur les causes du déracinement du peuple français et sur les conditions de sa renaissance, méditation sur la force et sur l'obéissance, L'Enracinement est aussi le testament spirituel de Simone Weil. Selon Albert Camus, qui l'édita pour la première fois en 1949, ce livre « d'une audace parfois terrible, impitoyable et en même temps admirablement mesuré, d'un christianisme authentique et très pur, est une leçon souvent amère, mais d'une rare élévation de pensée ».
Les mots « terre d'Israël » renferment une part de mystère. Par quelle alchimie la Terre sainte de la Bible a-t-elle pu devenir le territoire d'une patrie moderne, dotée d'institutions politiques, de citoyens, de frontières et d'une armée pour les défendre ?
Historien engagé et volontiers polémiste, Shlomo Sand a, à grand bruit, dénoncé le mythe de l'existence éternelle du peuple juif. Il poursuit ici son oeuvre de déconstruction des légendes qui étouffent l'État d'Israël et s'intéresse au territoire mystérieux et sacré que celui-ci prétend occuper : la « terre promise », sur laquelle le « peuple élu » aurait un droit de propriété inaliénable.
Quel lien existe-t-il, depuis les origines du judaïsme, entre les juifs et la « terre d'Israël » ? Le concept de patrie se trouve-t-il déjà dans la Bible et le Talmud ? Les adeptes de la religion de Moïse ont-ils toujours aspiré à émigrer au Moyen-Orient ? Comment expliquer que leurs descendants, en majorité, ne souhaitent pas y vivre aujourd'hui ? Et qu'en est-il des habitants non juifs de cette terre : ont-ils - ou non - le droit d'y vivre ?
Mettre au jour les lois qui régissent le monde des passions, montrer que les passions engagent un rapport particulier au monde et souligner leur prégnance dans le domaine des actions humaines : telle est l'ambition de Hume dans les deux oeuvres ici réunies. Réécriture du livre II du Traité, la Dissertation sur les passions en rend plus saillantes les thèses originales.À la différence des moralistes qui dénoncent les vices des passions, des rationalistes qui entendent les subordonner aux idées claires et distinctes, et des naturalistes qui les font dériver des états du corps, Hume, s'inspirant des méthodes de la physique newtonienne, les aborde pour la première fois du point de vue d'une science générale de la nature humaine.
Le 28 février 1766, le chevalier de La Barre, jeune homme de dix-huit ans accusé d'avoir gardé son chapeau et chanté des chansons impies sur le passage d'une procession, est condamné à avoir la langue arrachée, la main coupée, et à brûler à petit feu. Sur son bûcher, on brûle aussi, pour le symbole, un exemplaire du Dictionnaire philosophique.
C'est dire le rôle de Voltaire et de son « diabolique Dictionnaire » dans le combat des Lumières contre le déchaînement du fanatisme et l'intolérance des Églises. Au soir de sa vie, le patriarche de Ferney a dressé le plus implacable réquisitoire avant L'Antéchrist de Nietzsche contre la religion judéo-chrétienne et son livre fondateur, la Bible. Mais, au-delà du but affiché d'« écraser l'Infâme », Voltaire s'en prend aussi aux préjugés et aux vains systèmes des philosophes tant anciens que modernes ; persuadé que nous ne pouvons rien connaître, il élève sa voix contre ceux qui tuent et emprisonnent au nom d'une vérité révélée.
Deux siècles et demi plus tard, les 118 articles du Dictionnaire philosophique n'ont rien perdu de leur actualité. Chaque fois que les coutumes les plus rétrogrades et les traditions les plus contestables s'allient afin d'imposer silence à la raison critique et à sa libre expression, il est urgent de reprendre avec Voltaire la lutte pour l'émancipation de l'homme et le progrès de l'esprit humain.
Comment les sociétés se forment-elles ? Pourquoi s'affrontent-elles ? Ces conflits peuvent-ils être évités ? Morale et religion visent-elles seulement à rendre possible la vie en société, ou permettent-elles à l'espèce humaine de dépasser sa condition naturelle et de trouver une issue à la violence ? Telles sont quelques-unes des questions au coeur des Deux Sources de la morale et de la religion (1932), la somme de philosophie morale et politique de Bergson, qui fut aussi son dernier grand livre.
Dans ce texte hanté par le spectre de la guerre et par le développement de la technique, mais aussi guidé par une méditation sur le mysticisme chrétien, Bergson articule l'étude de la société à sa philosophie de la vie.
Mettant sa doctrine à l'épreuve, il s'efforce de formuler des principes d'action pour des hommes devenus conscients de la nécessité d'affronter leur destin commun. Et tandis que « l'humanité gémit, à demi écrasée sous le poids des progrès qu'elle a faits », il nous rappelle que son avenir dépend d'elle.
Illustration de couverture : Virginie Berthemet © Flammarion
Dès sa parution en 1793, La Religion comprise dans les limites de la seule raison se heurte à la censure : Kant y critique les religions établies, auxquelles il reproche de verser dans la superstition au détriment de la morale. Il leur oppose la religion vraie, que cet ouvrage définit. Nous n'avons pas de devoirs envers Dieu, seulement à l'égard de nous-mêmes et des autres hommes, et les textes sacrés ne valent que parce qu'ils nous rendent attentifs à notre devoir.
Le catéchisme moral doit subordonner entièrement la religion à la raison pratique pure. Constatant que le mal est radical, Kant envisage la religion comme ce qui permet à l'humanité de progresser en la dotant d'une représentation sensible du bien. Cette dernière rend possible l'espérance de la vertu, qui soutient l'individu et l'encourage à s'accomplir en tant qu'être libre.
La présente traduction donne à lire avec nuance et exactitude cette pierre angulaire de la réflexion kantienne, où le philosophe, après avoir examiné ce que l'on peut savoir dans la Critique de la raison pure et ce que l'on doit faire dans la Critique de la raison pratique, s'attache à une troisième question : « Que sommes-nous autorisés à espérer ? »
À sa parution en 1989, cinq ans après la mort de Foucault, cette biographie fut internationalement saluée comme un événement. Explorant les archives inédites, Didier Éribon y restituait magistralement les mille visages, connus et inconnus, d'un philosophe dont toute l'oeuvre peut se lire comme une insurrection contre la violence des normes et de la normalité. Captant la singularité d'un homme énigmatique et d'une pensée passionnément critique, il la réinscrivait dans ses différentes époques et dans ses multiples dimensions - philosophique, politique, sexuelle... - pour proposer une vaste fresque de la vie intellectuelle française de la deuxième moitié du XXe siècle. Cette nouvelle édition, entièrement remaniée, est largement augmentée de nombreux éléments concernant les relations - positives ou négatives - de Foucault avec Georges Dumézil, Louis Althusser, Jacques Derrida, Pierre Bourdieu, ou encore Simone de Beauvoir... Elle revient également sur les rapports de Foucault à la sexualité ou aux drogues. Qu'est-ce qu'une existence philosophique ? Comment un geste théorique s'ancre-t-il dans l'expérience vécue ? Telles sont les questions que cet ouvrage entend à nouveau poser, afin de rendre au geste foucaldien et à son héritage leur radicalité.
Dans cet important ouvrage, monsieur de Montesquieu, sans s'appesantir, à l'exemple de ceux qui l'ont précédé, sur des discussions métaphysiques relatives à l'homme supposé dans un état d'abstraction ; sans se borner, comme d'autres, à considérer certains peuples dans quelques relations ou circonstances particulières, envisage les habitants de l'univers dans l'état réel où ils sont, et dans tous les rapports qu'ils peuvent avoir entr'eux. La plupart des autres écrivains en ce genre sont presque toujours, ou de simples moralistes, ou de simples jurisconsultes, ou même quelquefois de simples théologiens. Pour lui, l'homme de tous les pays et de toutes les nations, il s'occupe moins de ce que le devoir exige de nous, que des moyens par lesquels on peut nous obliger de le remplir ; de la perfection métaphysique des lois, que de celles dont la nature humaine nous rend susceptibles ; des lois qu'on a faites, que de celles qu'on a dû faire ; des lois d'un peuple particulier, que de celles de tous les peuples. (D'Alembert)
La Rhétorique est un texte fondateur à bien des égards. Outre l'intérêt capital qu'elle présente pour les spécialistes de la civilisation grecque antique, elle constitue une mine d'informations et de questionnements pour les théoriciens du langage, pour les historiens ou les praticiens de ce qu'on nomme aujourd'hui « communication ». Mais son intérêt est surtout philosophique. Reconnaître l'importance de la persuasion dans les rapports sociaux et politiques, comme alternative à la violence et pour satisfaire ce que l'homme a d'humain ; reconnaître dans la persuasion la présence incontournable de l'opinion (doxa), analyser ses mécanismes, y introduire de la rationalité sans ignorer ni ses pouvoirs ni ses prestiges, telle est l'entreprise de savoir, de lucidité et de progrès à laquelle nous convie Aristote. Qui nierait sa brûlante actualité ?
Au XXe siècle, le capitalisme consumériste a pris le contrôle du symbolique par son appropriation hégémonique de la technologie industrielle. L'esthétique y est devenue à la fois l'arme et le théâtre de la guerre économique. Il en résulte de nos jours une misère symbolique où le conditionnement se substitue à l'expérience. Cette misère est une honte, la « honte d'être un homme » qu'éprouve parfois le philosophe, et qui est suscitée d'abord aujourd'hui par cette misère symbolique telle que l'ont engendrée les « sociétés de contrôle ».
Il s'agit pour Bernard Stiegler de comprendre les tendances historiques qui ont conduit à la spécificité du temps présent, mais aussi de fournir des armes : de faire d'un réseau de questions un arsenal de concepts en vue de mener une lutte. Le combat à mener contre ce qui, dans le capitalisme, conduit à sa propre destruction, et à la nôtre avec lui, constitue une guerre esthétique. Elle-même s'inscrit dans une lutte contre un processus qui n'est rien de moins que la tentative visant à liquider la « valeur esprit », comme le disait Paul Valéry.
En couverture : Andreas Locher, Reality-TV. © Andreas Locher, CH-8714 Feldbach. Création Studio Flammarion
Passionnés ou dilettantes, d'autres le furent avant vous et le dirent, de leurs mots sages ou fous. Nos petites bibliothèques recueillent ces paroles d'amateurs à l'adresse des amateurs, échos d'un même imaginaire. Des textes à lire et relire, à partager ou à garder pour soi, à portée de main.
À quoi sert de marcher ? Et d'où vient que nous sommes de plus en plus nombreux à randonner ? Marche-t-on différemment en ville, en montagne et en forêt ? Vaut-il mieux cheminer seul ou accompagné, avec ou sans objectif ? Le sac à dos - gage d'équilibre et maison portative - est-il indispensable au marcheur ? Quelle liberté, quel rapport à l'espace et au temps expérimente-t-on lorsque l'on est en route ?
Dans les textes ici rassemblés, des poètes, des philosophes et d'autres écrivains marcheurs d'hier et d'aujourd'hui répondent à ces questions et à bien d'autres - témoignant chacun à sa façon de ce qui le fait marcher. De ce que la méditation allante, la vie motrice, pourvoyeuse d'énergie et de vigueur, a toujours été le meilleur rempart contre la mélancolie.
La philosophie n'est pas une discipline abstraite et intellectuelle, réservée aux seuls spécialistes. Bien au contraire, depuis Socrate, elle vise à éclairer notre existence de manière aussi indispensable que salutaire, en s'adressant à chacun de nous, tels que nous sommes, avec nos engagements et nos aveuglements, nos désirs et nos peurs.
Retrouver la dimension méditative de la philosophie, allier l'art de l'attention à l'art du questionnement, voilà le chemin qu'ouvre ce livre unique et précieux. Les grandes questions de la philosophie ne sont plus alors des haltes imposées sur l'autoroute de la culture générale, mais des expériences fondatrices, personnelles et universelles à la fois.
Pourquoi disons-nous de cette rose qu'elle est belle, et non qu'elle nous est agréable, qu'elle est parfaite, ou qu'elle est vraie ? Et pourquoi, parlant d'une « belle rose », entendons-nous précisément dire autre chose que lorsque nous évoquons une « rose agréable », une « rose parfaite », ou encore une « vraie rose » ? La récurrence du terme « beauté » dans nos discours se double d'une résistance envers toute substitution par un synonyme.
Poser que ce fait têtu n'est pas infondé, c'est tenter de rendre justice à la spécificité de la beauté.
Autonome beauté, que Kant entend précisément circonscrire, dans l'Analytique du beau, première partie de la Critique de la faculté de juger (1790).
La télécratie qui règne désormais en France comme dans la plupart des pays industriels ruine la démocratie : elle remplace l'opinion publique par les audiences, court-circuite les appareils politiques et détruit la citoyenneté. La télévision et l'appareil technologique qui la prolonge à travers les réseaux numériques de télécommunication sont en cela devenus le premier enjeu politique. À travers ce que l'on appelle les industries de programmes, c'est la relation politique elle-même qui est devenue un nouveau marché, et ce marketing confine aujourd'hui à la misère politique : au cours de la dernière décennie, l'appareil télécratique a développé un populisme industriel qui engendre à droite comme à gauche une politique pulsionnelle, et qui semble conduire inéluctablement au pire. Ce devenir infernal n'est pourtant pas une fatalité. La philosophie se constitua à son origine même contre la sophistique : celle-ci, par une appropriation abusive de l'écriture, développait une gangrène qui menaçait de guerre civile la cité athénienne. De cette lutte contre les tendances démagogiques de la démocratie grecque résultèrent les formes de savoirs qui caractérisent l'Occident. Prônant un nouveau modèle de civilisation industrielle, cet ouvrage affi rme qu'un sursaut démocratique contre les abus de la télécratie est possible, et appelle l'opinion publique française et européenne à se mobiliser contre la dictature des audiences.
Voici venu le temps de l'Éthique à Eudème.
Comme l'Éthique à Nicomaque, cette autre Éthique attribuée à Aristote a pour objet l'achèvement de l'humanité dans l'homme, achèvement qui se confond avec le bonheur. Mais tandis que le premier traité est expressément lié à un projet politique, le second insiste sur la dimension intime - et néanmoins universelle - de l'éthique : « Si la beauté d'une vie réside dans des choses obtenues par hasard ou par nature, beaucoup de gens ne pourraient l'espérer : leur effort ne permettrait pas de l'obtenir, elle ne dépendrait pas d'eux et ne pourrait être leur objet d'étude. En revanche, s'il consiste en une certaine qualité qu'ont une personne et ses actes, le bien de la vie pourrait être plus commun et plus divin. »
Cette affirmation du choix individuel comme principe de la conduite éthique est à la source de la longue réflexion occidentale sur la responsabilité morale et juridique. C'est ainsi que l'Éthique à Eudème, longtemps restée dans l'ombre de l'Éthique à Nicomaque, fait l'objet aujourd'hui d'une véritable redécouverte, à laquelle entend contribuer la présente édition.
Virginie Berthemet, © Flammarion
(d'après la mosaïque dite d'Alexandre, musée national archéologique de Naples).
© Flammarion, Paris, 2013.
Initiation à la pensée d'Aristote et à la méthode dialectique qu'elle déploie (l'examen critique des opinions courantes relatives à la question posée), ce volume se propose d'étudier l'articulation des notions de justice et de droit dans le livre V de l'Éthique à Nicomaque.
La justice, prise comme une vertu, fait l'objet d'un traitement singulier dans l'éthique d'Aristote, car elle possède une portée plus profonde que les autres vertus du caractère, en raison de sa dimension politique. Elle est à la fois la vertu qui permet aux hommes de bien vivre ensemble et, plus particulièrement, celle qui garantit un partage équitable des biens et des honneurs. C'est en ce sens qu'elle est aussi à la source de ce qu'on appelle le droit.
Sénèque est un philosophe, un dramaturge et un homme d'État du premier siècle après Jésus-Christ. Il a été en charge de l'éducation de Néron, futur Empereur de Rome. Sa pensée se situe en filiation avec le Stoïcisme grec, mais la notion de système est mise à distance au profit de considérations davantage morales que métaphysiques. Le principe moteur de sa réflexion reste cependant la distinction purement stoïcienne entre les événements extérieurs à soi sur lesquels on ne peut agir, et ceux qui ne dépendent que de soi-même : la vertu, le jugement et la volonté. De la Tranquillité de l'âme est un magnifique exemple de cette philosophie du triomphe de l'homme vertueux, en harmonie avec lui-même et le monde